Romy Schneider sur les chemins du malheur

Adulée par le public, malheureuse en amour, cette écorchée alternait la gloire et les drames. Trente ans après sa disparition, son destin tragique est entré dans la légende.

Temps de lecture: 6 min

.

1958 à Bruxelles. Trois jeunes gens, une fille et deux garçons, s’entendant à merveille rient aux éclats. Pour le cinéma, ils viennent de tourner “Christine” sous la direction de Pierre Gaspard-Huit et ont débarqué dans notre pays pour le présenter. Ils s’appellent Romy Schneider, Alain Delon et Jean-Claude Brialy. Bien plus tard, ce dernier nous racontera : « Le beau-père de Romy avait acheté un grand hôtel à Bruxelles. Comme il était malin, il avait négocié afin que la première du long métrage puisse avoir lieu en grande pompe dans cette ville. Il avait couplé l’événement avec un dîner-inauguration de son établissement. Romy était déjà une superstar grâce à “Sissi”. Nous avons découvert des rues bondées. Une foule considérable voulait apercevoir son idole. Romy avait dix-huit ans et était magnifique ; le public belge lui criait son amour. Alain Delon et moi l’accompagnions. »

C’est d’ailleurs vers eux que la présentatrice de la soirée se tourne d’abord. La dame ne semble pas maîtriser son sujet. Et va le prouver : « Avant d’accueillir Romy Schneider, lance-t-elle aux spectateurs impatients, nous allons appeler ses deux partenaires. Le premier est très beau, on chuchote même qu’il est épris de Romy. Il est la coqueluche de Paris. Voici Alain “Belon” ! »

Delon préfère sourire et entre en scène. La gaffeuse poursuit : « L’autre est sympathique et rigolo, c’est le copain de Romy et d’Alain. Il va nous rejoindre à son tour, c’est Jean-Claude “Branly” ! »

Delon : un amour de jeunesse

Sans doute à cette époque-là Romy Schneider est-elle heureuse. Avec l’insouciance de son âge, elle savoure le statut de star et s’éprend d’Alain Delon. Pourtant, par la suite, elle se rendra compte que le beau-père en question, M. Blatzheim, s’est beaucoup servi d’elle et de ses cachets pour financer ses propres affaires. Dans une longue interview accordée sur la fin de sa vie au magazine allemand “Stern”, Romy déclarera : « L’argent est parti, basta ! Je crois que le dernier restaurant dans lequel Blatzheim a investi mes sous a fait faillite. Il s’est toujours occupé de tout. Pour un quatrième “Sissi”, on m’a offert 4 millions de marks payés comptant. Mais là, j’ai enfin dit non, pour la première fois. J’en avais marre. »

Quant à l’histoire avec Alain Delon, enjolivée depuis, elle s’est mal terminée. Dans le même entretien, l’actrice avouait : « Il (Delon) m’a honteusement trompée. J’étais en tournage en Amérique. Je suis revenue, l’appartement à Paris était vide, plus personne. Un bouquet de roses, un papier à côté sur lequel il était écrit : “Je suis parti à Mexico avec Nathalie. Salut ! Delon.” » Mais parlant de leur relation au début des années 80, elle ajoutait : « Nous ne nous haïssons pas. Nous pouvons et aimons nous souvenir. » Par ailleurs, Romy soulignera qu’une fois leur liaison achevée, elle a toujours pu faire confiance à son premier amour et compter sur lui. Reste Jean-Claude Brialy qui demeurera l’ami et le confident de Romy tout au long de son existence.

Miss Schneider a collectionné les consécrations professionnelles et les déboires personnels. Une inaptitude à la sérénité, une vie affective chaotique jalonnée de drames ont brisé cette jolie jeune femme brutalement partie, comme dans une ultime fuite, au milieu du printemps de 1982.

En 1988 (et 1989 pour la version française), Renate Seydel rassembla les bribes du journal tenu par Romy Schneider et les compléta par des confidences recueillies dans la presse et auprès de ses proches. Le tout parut sous le titre “Moi, Romy”, un ouvrage sortant de la multitude d’autres consacrés à l’actrice sans doute parce qu’à travers des mots et des phrases parfois brefs, les vérités de cette personne belle, touchante et complexe apparaissent plus sûrement qu’au fil de longues tirades.

Une vie affective chahutée

En 1975, Romy s’est séparée de son premier mari, Harry Meyen, père de son fils David, dans des conditions difficiles ; ainsi a-t-elle dû lui laisser la moitié de sa fortune… Elle se console dans les bras de celui qu’elle engagea comme secrétaire : « L’essentiel est maintenant Biasini, note-t-elle le 19 mai 1975. Il me rappelle tellement Alain Delon ! Il a le même caractère indépendant, le même charme, le même humour. »

Le début de cette idylle la rend euphorique : « Je souhaite un deuxième enfant. Je vais avoir trente-sept ans, et il est temps de faire cadeau à David d’un petit frère ou d’une petite sœur. Je ne veux satisfaire ce désir que maintenant parce qu’avant, je n’ai jamais été amoureuse, jamais heureuse non plus. Maintenant, je suis prête. (…) Daniel est beau, intelligent et charmant. La différence d’âge ne me dérange pas. Au contraire, je me sens à nouveau plus jeune à travers lui. »

Pourtant, par la suite, si l’on en croit les souvenirs de Daniel Biasini, ce critère constituera un handicap. Et Romy jettera à la figure de son mari : « Quand j’aurai cinquante ans, tu en auras trente-neuf ! Quand j’aurai soixante ans, tu en auras quarante-neuf ! Comment veux-tu que ça marche ? »

Entre-temps, Romy a fait une fausse couche. En décembre 1976, elle écrit : « En trois ans, j’ai tourné dix films. J’ai cherché à m’étourdir de travail. »

L’année suivante, ça va beaucoup mieux : la petite Sarah est née. En 1979, Harry Meyen se suicide, imbibé d’alcool mélangé à des quantités astronomiques de médicaments. Fin de très longs orages entre lui et Romy avec, comme témoin de ce tourbillon de sentiments haineux, un gamin, David, qui aura dû éprouver des moments de grande solitude.

Une lente descente aux enfers

Quelques mois avant cette disparition, Romy Schneider semble avoir pris ses distances avec certains cauchemars : « Toutes les ombres ont disparu. Les ombres des hommes qui m’ont dit qu’ils m’aimaient, et qui, en réalité, ne m’ont rien donné. Les ombres des névroses qui m’ont obligée à avaler des pilules pour les surmonter et avoir la tête au travail. »

Cependant, le mal-être guette toujours. Tournage de “La banquière” en avril 1980 : « Bien sûr, tu te réveilles le matin en te disant : “Aujourd’hui, je ne m’énerverai pas, je ne casserai les pieds à personne.” Et tu arrives au studio avec cette résolution. En vain ! Tu trembles de peur. C’est insupportable pour toi-même et pour les autres. »

Au début des prises de vue de “Fantôme d’amour”, Romy demeure introuvable. Finalement, Daniel Biasini la retrouve dans un hôtel, l’air hagard : elle a vidé trois bouteilles de vin rouge en absorbant des médicaments. Ses vieux démons resurgissent. Elle bredouille : « J’ai eu tellement peur de cette première journée de tournage… »

Dans les semaines et les mois qui viennent, Biasini fait la chasse aux drogues qu’il retrouve dans des coins de leur habitation ou dans des sacs à main. La vie commune est devenue impossible. De plus, en rentrant de voyage, Daniel apprend que Romy entretient une liaison avec Laurent Pétin.

Romy Schneider va mal, part en cure à Quiberon où elle fait une mauvaise chute et se casse la jambe. À peine remise, elle doit subir l’ablation d’un rein atteint d’une tumeur. Les épreuves ne la lâchent plus en cette année 1981. L’horreur absolue la met K.-O. : son fils âgé de onze ans meurt en s’empalant sur la grille de la propriété de ses grands-parents.

Pendant dix mois, Romy Schneider fait semblant de vivre, elle travaille, se montre au côté de son nouvel amour. Mais son cœur trop de fois brisé ne battra plus longtemps. Épuisée par le malheur, Romy s’éteint le 29 mai 1982. L’étoile trop fragile est partie briller là où rien ni personne ne peut l’atteindre.

 

Le fil info

La Une Tous

Voir tout le Fil info
La UneLe fil info

Le meilleur de l’actu

Inscrivez-vous aux newsletters

Je m'inscris

À la Une