Le PS attend, piaffe, Di Rupo prépare l’affrontement

L’opposition au fédéral, le pouvoir dans les Régions : rentrée compliquée pour le PS. A la présidence, Elio Di Rupo envisage un « grand chantier à gauche ». Décryptage.

Journaliste au service Politique Temps de lecture: 5 min

Avis de tempête, restons calmes ! L’on imagine que le PS attend la « suédoise » (dites « kamikaze ») de pied ferme, que ça va canarder, mais en attendant… Point d’université d’été – seuls les verts ont maintenu la tradition cette année, tous les autres ont fait l’impasse, mais qui l’a noté ? –, point d’interviews grand format à ce stade. C’est que la rentrée 2014 est hors norme, et les « ajustements » compliqués pour les socialistes. Qui piaffent. Se préparent. Trois choses…

1 Le choc. La kamikaze est une bombe politiquement : la N-VA aux affaires, le MR seul francophone. Et les rouges, comme tout le monde, sont passablement abasourdis : la plupart ne croyaient pas que le MR pourrait jamais « y aller seul ». La campagne du PS avait consisté en partie à mettre en garde contre l’avènement d’un « gouvernement des droites », mais tous anticipaient là l’impensable, et, l’heure venue, la « kamikaze » fut un choc. Un responsable : « Quoi qu’il en soit, là, on attend d’y voir clair sur leur programme, concrètement, il ne faut pas réagir aux rumeurs. Surtout qu’il peut y avoir des leurres sur lesquels on plongerait et qui nous exploseraient à la figure ensuite. Il faut avoir des certitudes. Prudence, donc. »

Prudence, mêlée d’un chouïa d’attentisme : si la kamikaze échouait ? Cet attentisme, d’aucuns ont cru en voir un signe mardi dernier dans le premier vrai, et unique à ce jour, communiqué anti-kamikaze expédié par le boulevard de l’Empereur : « Observez, note un interlocuteur, que le PS avait rameuté sur les risques pour les familles et le pouvoir d’achat : il mettait ainsi le doigt sur les thèmes qui font mal au CD&V, maillon faible de la présumée majorité fédérale, on pense à son aile gauche démo-chrétienne et syndicale, qui apprécie peu la coalition droitière, et qui grogne… » De là à croire que le PS a pu supposer que le CD&V pouvait décrocher… Quoi qu’il en soit, le secret espoir a vécu.

2 Les deux gauches. Si les socialistes « attendent », temporisent, et piaffent, c’est encore parce que la tâche est immense. Immense pour une formation qui devra se repositionner dans un rôle d’opposition après 25 ans aux affaires à tous les étages : 1989-2014 ! Et qui, de surcroît, ne perd pas pied partout, on est loin du compte, puisqu’évincée du fédéral, elle reste au pouvoir en Wallonie et à Bruxelles. Ce qui est bon à prendre, évidemment, mais complique la tâche, au moins en théorie : il faudra incarner à la fois les « deux gauches », comme on les appelle – rapport notamment au vif débat en France après les départs des Montebourg et Hamon du gouvernement Valls –, celle qui gouverne et celle qui conteste, la social-démocrate et la socialiste, Bernstein et Kautsky – pour le dire un peu légèrement, mais l’épreuve est lourde.

Certains redoutent l’exercice d’équilibre : « Ceux qui croient qu’on est sur du velours, que l’opposition va nous régénérer tout naturellement, nous faire du bien sans aucun doute, ceux-là s’illusionnent ; en tout cas ce sera difficile après 25 ans et avec des destins différents au fédéral et dans les Régions ; en plus avec des concurrents à gauche qui vont s’agiter, même s’ils sont en difficulté ou bien ont une force relative, comme Ecolo, ou le PTB ; de toute façon il faudra s’adapter, se reprofiler, reconstruire… », explique un responsable.

3 Le chantier. Ajoutez le changement de mains au boulevard de l’Empereur, où Paul Magnette a officié durant plus d’un an comme président « faisant fonction », avant de prendre les commandes du gouvernement wallon, et où le président « en titre », Elio Di Rupo, retenu rue de la Loi, s’installera lorsque le nouvel exécutif fédéral verra le jour. Avant la rentrée parlementaire ? « On ne paie rien pour attendre », souligne-t-on autour de celui qui entend se relancer pour un mandat de quatre ans, parachevant vingt ans à la présidence : 1999-2019… Vanderveldien ! Lui-même cultive cette comparaison avec le « patron » il y a plus d’un siècle. On parle d’une élection interne au printemps 2015, le dernier samedi de mai. Et d’un mandat où la délicate – après 25 ans aux affaires pour le PS, deux et demi au Seize pour Elio Di Rupo – affirmation du leadership dans l’opposition fédérale pourrait s’apparenter à un grand chantier « de rénovation et de mutation », croient savoir certains – liant l’Action commune parti-mutuelle-syndicat.

Hervé Parmentier, chef de cab au « Seize », et Guillaume de Walque, porte-parole rue de la Loi, entre autres, épauleront Elio Di Rupo au Boulevard, comme directeurs de l’Institut Emile Vandervelde (Hervé Parmentier succède à Anne Poutrain, qui opère avec Paul Magnette à l’Elysette), et de la communication. Cela, pour une équation dans laquelle pèseront lourd l’entente et la coordination avec la cheffe de groupe au parlement fédéral, Laurette Onkelinx, qui se fera entendre et veut se profiler en protagoniste d’un « gouvernement fantôme » (shadow cabinet) sur le modèle britannique. On va voir ce qu’on va voir.

Fort de son score le 25 mai – « 32 % pour un parti du Premier qui a exercé le pouvoir par temps de crise, dans le contexte que l’on sait, c’est un fameux score ; même Merkel n’a pas fait ça en Allemagne… »  – et « droit dans ses bottes » au fédéral – « Hisser un parti séparatiste au pouvoir à cet étage comme le permet le MR, vous n’y pensez pas ! » –, le PS repartira en campagne, confie-t-on, sur le triptyque : « Dénoncer, protéger, proposer ». Dénoncer les « errements droitiers, conservateurs, nationalistes » de la kamikaze ; protéger « monsieur et madame Tout-le-monde, les familles, les fonctionnaires, les jeunes, les travailleurs » face à un gouvernement « aux ordres d’un certain patronat et des nantis »  ; proposer « autre chose », l’alternative, vous savez, la gauche.

 

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