Louis Michel: «Le PS méprise nos électeurs »

Le père de Charles, prochain Premier ministre du pays, se confie au Soir.

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Quelle fut votre réaction lorsque vous avez appris que votre fils allait occuper le poste de chef du gouvernement ?

De la joie. De la fierté. J’étais heureux pour lui. Mais aussi pour le pays. Il était important que ces négociations puissent atterrir : le pays a besoin d’un gouvernement.

Ce gouvernement qualifié de droite ou de centre-droit constitue une première dans le pays. Une formule inédite et compliquée ?

Pourquoi n’arrête-t-on pas de dire que cela sera compliqué ? Les gouvernements, dans toute l’Europe, sont confrontés à une tâche difficile : des problèmes complexes, un environnement économique défavorable, des défis importants. Ce ne sera pas plus compliqué en Belgique qu’ailleurs.

Charles Michel est le plus jeune Premier ministre du pays depuis 173 ans. Il est aussi le représentant du seul parti francophone de la future majorité suédoise. Le costume de chef de gouvernement ne sera-t-il pas trop grand pour lui ?

Vous n’allez pas me demander si Charles dispose de la carrure pour exercer ce poste ? Ce qu’il vient de réaliser, sa démonstration d’empathie, de créativité et de convivialité pour accorder les violons des uns et des autres traduit déjà sa capacité à rassembler et rapprocher les gens. C’est capital dans ce pays. Il a aussi révélé son sens de l’écoute et de respect de l’autre. Et en même temps, il est rigoureux et tenace. Charles n’est pas un tendre. Il connaît parfaitement son cahier des charges. Il n’y a aucune raison de douter de ses qualités. Que ceux qui le font aujourd’hui lui accordent au moins la possibilité de le démontrer. J’observe le travail colossal qu’il a accompli avec les partenaires réunis autour de la table. Ils ont accouché d’un projet, qu’on l’aime ou non, courageux et cohérent. Il y a longtemps que notre pays en avait besoin. Pourquoi douterait-on aujourd’hui de sa capacité à le réaliser ?

Notamment parce qu’il est aussi porté par un parti qui rêve de l’évaporation à terme de l’Etat…

L’impossibilité jusqu’ici de mettre en œuvre des politiques courageuses et de rigueur qui s’attaquent de manière proactive aux problèmes actuels et à venir, tels la création d’emplois, des conditions de la croissance, le paiement des pensions et la garantie d’une meilleure protection sociale… Enfin ! Je vous rappelle que le PS est au pouvoir depuis 25 ans au fédéral et de manière quasi permanente à la Région wallonne. Si ses recettes marchaient, cela se saurait. Je ne veux pas diaboliser les recettes des autres. Je pense que les nôtres sont meilleures. Il est tout de même étrange que les recettes que ce gouvernement a adoptées sont identiques à celles qui sont mises en place en Europe.

Comme postposer l’âge de la pension ?

Michel Daerden, l’ex-ministre socialiste des Pensions, le préconisait déjà il y a quatre ans. Frank Vandenbroucke, socialiste flamand, dit la même chose. Ce sont des sources d’inspiration qui ne sont pas contestables. Nous sommes des gens sérieux. Nous ne voulons pas raconter des balivernes aux citoyens : si on veut sauver la Sécurité sociale, assurer des pensions décentes et si on ne veut pas transmettre aux jeunes générations le poids de notre manque de courage, il faut prendre des positions.

Vous n’avez pas répondu à la question relative à la présence dans cette nouvelle majorité de la N-VA, ce parti que le sénateur CDH Francis Delpérée continue de qualifier de raciste.

Je ne veux pas entrer dans cette polémique. Quels sont les faits au lendemain du scrutin ? Le PS ne donne aucune chance à la mise en place d’une tripartite dans les entités fédérées. Il ne tient pas compte du résultat époustouflant du MR. Il fait comme si ses électeurs n’existaient pas. Il les méprise. Le PS a ramassé une dégelée. Le CDH est à son minimum historique. Mais le soir des élections, on lève les bras en criant : « On a gagné ! » Surréaliste. Ils s’autorisent même à nous dire : « On aura peut-être besoin de vous au fédéral. » Il y a des limites au supportable. Mais il y a une seconde donne, en Flandre cette fois. On connaît le score triomphal de la N-VA. Pour le CD&V comme pour le VLD, il est impossible de s’isoler de la N-VA. On ne peut pas ignorer un parti pour lequel vote un Flamand sur trois. C’était cela, le contexte. C’est lui qui avait la main, pas nous, pas le MR. Le calcul politicien du PS et du CDH était limpide. Ils étaient convaincus que, jamais, le MR n’oserait prendre le risque d’entrer dans une telle majorité. Ils ont joué la politique du délitement du pays, persuadés qu’au bout du chaos, surgirait le confédéralisme, les coalitions miroir : N-VA et CD&V d’un côté, PS et CDH de l’autre. Ils auraient bouclé la boucle avec un cynisme absolu, en misant sur la politique du pire. C’est leur droit. Mais c’est aussi le nôtre de ne pas jouer dans leur mauvaise pièce.

Charles Michel doit-il faire confiance à Bart De Wever et à son parti ?

Je ne peux pas me prononcer pour les autres. Je sais que le MR fera tout pour que ce gouvernement réussisse et que la stabilité politique soit assurée. Le fait que les socialistes ne soient plus dans le gouvernement donne une vraie chance à la Belgique de recréer la confiance entre la Flandre, la Wallonie et Bruxelles. Si, à l’époque, vous m’aviez demandé si j’étais convaincu qu’Elio Di Rupo allait, après les élections de 2004, respecter sa parole, je vous aurais dit oui. Il ne l’a pas fait… Moi, j’ai toujours respecté un accord.

Ce gouvernement fait hurler syndicats et opposition. Au secours, la droite revient ?

Soyons sérieux. Si on lit l’ensemble des mesures, on découvre la volonté de ce gouvernement de redonner de l’oxygène à ceux qui veulent travailler, participer et prendre leur destin en main. Notre première préoccupation va vers les jeunes qui n’ont pas encore d’emploi. On crée les conditions qui donnent aux entreprises des raisons d’engager. Notre politique mise sur les classes moyennes pour leur rendre le goût du travail et surtout les récompenser. S’attend-on à autre chose du Mouvement réformateur ? C’est le core business de toute notre pensée. Qu’on cesse de nous faire des procès d’intention. Pour financer une sécurité sociale généreuse, il faut de la croissance et de la création d’emplois. La solution socialiste consiste à ponctionner un peu plus les gens qui travaillent. Cette conception a conduit là où nous sommes. Nous voulons la concertation sociale et le dialogue loyal avec les entités fédérées.

 

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