Les raisons de la discorde entre Taylor Swift et Spotify

La décision de la chanteuse Taylor Swift de retirer ses albums de Spotify est une nouvelle fronde contre le service de streaming suédois. Plus que le streaming en lui-même, c’est le modèle d’écoute gratuite qui est visé.

Journaliste aux services Culture et Médias Temps de lecture: 4 min

Tout le monde s’accorde sur ce point : le streaming constitue l’avenir de l’industrie musicale. Ainsi, la décision de Taylor Swift (et ses 16 millions d’écoutes quotidiennes) de retirer tous ses albums de Spotify ne vise-t-elle pas le streaming en lui-même (comme c’est le cas de Thom Yorke, par exemple), mais le modèle freemium de la plate-forme suédoise : à savoir gratuit et payant, sans que le volet payant ne recèle d’offre avantageuse par rapport au gratuit, si ce n’est l’absence de pub.

« Il y a une vraie animosité dans l’air à ce sujet », résume Scott Borchetta, patron de Big Machine, le label américain de Taylor Swift. « Spotify est un très bon service. Il doit juste devenir un meilleur partenaire ».

Des avantages pour l’espace premium ?

La discussion s’est invitée lors du récent Web Summit, conférence sur les nouvelles technologies qui s’est déroulée début novembre. Selon Jonathan Dickins, manager d’Adele, « l’espace premium (abonnés) constitue les vrais acheteurs de disques, ceux qui payent 9,99 euros par mois. Une idée pour régler les situations du genre Taylor Swift – mais Spotify ne le fera pas –, serait de rendre disponible une offre sur l’espace premium plus tôt qu’il ne l’est sur l’espace gratuit ».

Certains artistes renommés comme Beyoncé, Coldplay ou Adele n’ont ainsi rendu disponibles leurs nouveaux albums sur Spotify que plusieurs mois après leur sortie physique et sur d’autres plates-formes payantes afin de maximiser les ventes et téléchargements. L’idée serait de faire de même sur l’espace premium de Spotify afin de pousser les gens à s’abonner. C’est le dilemme qui entoure l’affaire Taylor Swift – dont les albums sont par ailleurs toujours disponibles sur les plates-formes de streaming exclusivement payants comme Rdio ou Beats.

Pour Spotify, ça ne fonctionnerait pas

Mais Daniel Ek, le patron de Spotify, refuse l’idée. Pour la simple et bonne raison que, selon lui, elle ne fonctionne pas car «  on demande aux utilisateurs de payer pour quelque chose qui est déjà disponible gratuitement sur les sites illégaux ». Selon lui, le fait de ne pas proposer deux offres distinctes selon que l’espace est gratuit ou payant est la façon la plus efficace d’obtenir de nouveaux abonnés. «  C’est un fait : plus de 80 % de nos abonnés (12,5 millions sur 50 millions d’utilisateurs – Ndr) ont commencé en tant qu’utilisateurs gratuits. Pas de gratuit, pas de revenus, pas de 2 milliards de dollars (le montant reversé par Spotify aux ayants droit depuis 2008) ».

En fin de compte, le problème se résume bien à cela : money. Or, contrairement à YouTube, Apple et ses autres concurrents, Spotify a toujours prôné et agit dans la transparence. Ainsi, selon les chiffres qu’elle a elle-même dévoilés, l’entreprise reverse 70 % de ses gains, à savoir 2 milliards de dollars depuis 2008 à raison de 0,004 à 0,006 euros par stream, aux labels et ayants droit « afin qu’ils les redistribuent aux artistes et compositeurs ».

Les majors restent tapis dans l’ombre

La guerre des chiffres qui a suivi l’affaire Taylor Swift a laissé les deux parties à égalité. Les 6 millions de dollars de reversés à Taylor Swift par an grâce à Spotify était une évaluation globale tandis que les 500.000 dollars avancés par le label américain de la chanteuse se limitait au marché américain sur l’année 2013.

C’est peut-être le détail de la discorde entre Spotify et les artistes. Car il est un troisième acteur que l’on oublie souvent dans cette bataille. Tapies dans l’ombre, les majors de l’industrie regardent l’agitation sans dire mot. Et pourtant, elles sont bien au centre de la discussion. Non seulement elles sont en charge de la redistribution des revenus aux artistes, mais elles détiennent 18 % de Spotify suite aux contrats de licences négociés lors du lancement de la plate-forme en 2008. Or, nul ne sait quels sont les détails de ces contrats – Spotify ne dévoilant rien sur le sujet.

« Le combat entre l’opacité et la transparence »

Ainsi, la nouvelle guerre de l’industrie pourrait s’apparenter à cette même vieille guerre qui la secoue depuis ses débuts. « Le vrai problème, le vrai combat est entre l’opacité et la transparence », résumait Bono lors du Web Summit. « Historiquement, le music business s’est impliqué dans des tromperies considérables ». Des paroles qui font écho à celles du patron de Spotify : « Nombre des problèmes qui ont sali l’industrie continuent d’exister. Nous avons déjà payé 2 milliards de dollars à l’industrie du disque, et si cet argent n’est pas reversé aux créateurs de façon transparente et dans les temps, il y a un gros problème ».

 

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