Stromae: l’artiste, à l’heure du défi américain


Quelques chiffres pour se rendre compte. Depuis sa sortie, son album s’est vendu à environ 2,5 millions d’exemplaires de par le monde. Bien sûr, c’est en Belgique et en France que l’ampleur du succès est la plus visible : 220.000 disques ont trouvé preneurs en Belgique et 1,8 million en France. Mais le phénomène Stromae est aussi bien tangible dans les pays limitrophes comme les Pays-Bas, la Suisse ou l’Italie et, peut-être dans une moindre mesure, en Allemagne et en Europe du Nord. En tout cas, de Rome à Berlin, le maestro se produit dans des salles de 4 ou 5.000 places, voire plus. Pour résumer, ça, c’est fait.
Un travail de longue haleine
Mais le challenge est désormais ailleurs. Il est là-bas, en Amérique. C’est l’ambition de Stromae et de son entourage : percer aux Etats-Unis. Dès septembre 2013, « on est allé à Los Angeles pour rencontrer les dirigeants de Universal de tous les pays, rappelait récemment Olivier Nusse, directeur général de Mercury, sous-label de Universal France qui a commercialisé Racine carrée, sur TF1. Le message, c’était de faire de Stromae une priorité mondiale. »
Quelques mois plus tard, le Belge faisait ses débuts à New York, était en couverture de TimeOut et dans le New York Times afin d’annoncer son arrivée. Une tournée a suivi à l’automne dernier. Sera-ce suffisant ? De l’aveu même de l’intéressé dans le magazine new-yorkais Vulture, « je suis toujours un inconnu ici même si les concerts sont sold-out. Ce n’est que le début ». Car réussir aux Etats-Unis, d’autant plus si on est un artiste européen, ne se fait pas en deux claquements de doigts. C’est un travail de longue haleine.
Une chose est certaine, son label, son entourage, y compris l’industrie musicale française, y croient : « Depuis quelques années, les artistes français connaissent un réel succès (aux Etats-Unis), notamment grâce à Phoenix, David Guetta ou Daft Punk, expliquait la chef du bureau Export de la musique produite en France aux États-Unis Michèle Amar à RFI. Stromae pourrait être la prochaine découverte francophone grâce à son originalité et à son ingénuité. » Ainsi, un peu comme The Artist dans la course aux Oscars en 2011, Stromae est en campagne pour séduire le public américain.
Comment réussir aux Etats-Unis ? A ce sujet, la première règle n’a pas changé depuis les années 60 : il faut être présent sur le territoire. Être présent dans les salles de concerts bien sûr, mais aussi (surtout ?) dans les médias, dans les espaces publics, sur les disques des autres (en tant qu’invité ou producteur) et partout ou la musique peut se faire entendre : pubs, films, séries télé…
C’est le premier coup d’Universal qui fait directement suite à la tournée d’automne : un titre inédit de Stromae sur la BO très visible du film Hunger Games. On n’y entend pas sa voix, mais des stars locales qui éructent en anglais sur sa musique. Car c’est une différence notable entre Stromae et ses pairs francophones précités ayant percé aux Etats-Unis : au-delà même du fait qu’avec son mélange de rumba congolaise, d’eurodance et de chanson française, son style musical est (très) loin des canons musicaux américains, Stromae chante en français. Et ne semble pas avoir l’intention de faire autrement.
« Je ne pense pas que (chanter en anglais) soit la meilleure manière d’avoir une connexion avec le public, expliquait Stromae à la télévision américaine. Je pense que pour être compris, peu importe le langage, ce que le public veut entendre, c’est de la sincérité. Et si je ne chantais pas dans ma langue, je suis sûr que les gens sentiraient un manque d’émotion, de sincérité. Ça sonnerait simplement faux. » Selon Olivier Nusse de Mercury/Universal, il aurait d’ailleurs une idée à la fois simple et efficace pour remédier à la barrière de la langue : « Il prévoit, comme à l’opéra, de sous-titrer certaines de ses chansons pendant les concerts. »
« Sa force ? Son genre musical est unique »
La singularité de Stromae pourrait même être son meilleur atout : « Il est difficile de lancer un projet pop, rock ou électro aux Etats-Unis parce que beaucoup de projets du genre existent déjà, renchérit Olivier Nusse. La vraie force de Stromae, c’est que son genre est unique. »
Stromae peut-il réussir outre-Atlantique ? C’est la tâche qui l’occupera en 2015. Dès mars, il entamera sa deuxième tournée américaine. Et quand, il y a quelques semaines de cela, on lui parlait du Madison Square Garden à la télévision américaine, le ket de Bruxelles restait les pieds sur terre, refusant de trop croire à ce qu’on lui faisait miroiter : « Je suis ambitieux, mais cela ne sert à rien de faire le Madison Square Garden seulement pour son ego. Si on le fait, c’est qu’on peut le remplir. » Stromae se produira au Madison Square Garden de New York le 1er octobre prochain.