«Pegida semble avoir atteint son paroxysme»

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Werner Schiffauer est le président du Conseil interuniversitaire sur les migrations, et sociologue à l’université européenne Viadrina de Francfort-sur-l’Oder (frontière polonaise).

Qui sont ces gens qui manifestent contre une prétendue « islamisation de l’Occident » ?

Il s’agit de gens qui expriment leur peur de l’exclusion sociale et leur rejet de la politique. C’est un mouvement populiste. Bien qu’il ne soit pas un phénomène seulement est-allemand, il se concentre dans une ville de l’ex-RDA, à Dresde, où une partie de la population n’a pas réussi à s’intégrer dans une Allemagne réunifiée. Par ailleurs, les Allemands de l’Est ont encore une forte affinité avec la Russie, très nationaliste, et certains s’opposent aux sanctions de l’Europe contre Moscou. Cet aspect joue également un rôle.

Dresde ne compte que 2 % d’étrangers et pratiquement aucun musulman. Pourquoi s’en prennent-ils à l’islam et aux étrangers ?

La prétendue « islamisation de l’Occident » est un prétexte pour exprimer toutes les peurs. Les problèmes de ces gens-là sont ailleurs. Vous le voyez bien dans les discours des manifestants. Ils s’attaquent aux élites, à l’Eglise, aux médias et aux responsables politiques. On retrouvait le même phénomène dans les années 20 avec la montée de l’antisémitisme. Les Juifs étaient les boucs émissaires. Aujourd’hui, ce sont les musulmans.

Pensez-vous que le mouvement puisse avoir de l’avenir ?

Lorsqu’on observe les mouvements populistes au cours de l’Histoire, ils survivent seulement si le phénomène prend de l’ampleur. Or, vous le voyez, même à Dresde, le mouvement semble avoir atteint son paroxysme. Je pense qu’il ne va pas durer.

Le parti AfD (Alternative pour l’Allemagne) tente de récupérer le mouvement. En est-il capable ?

La récupération du mouvement par ce nouveau parti est très dangereuse. L’émergence d’un leader charismatique serait une catastrophe pour l’Allemagne. Mais je ne vois pour le moment personne qui soit capable de remplir ce rôle.

La classe politique est-elle unanime face à Pegida ?

Les partis ont tous dénoncé la xénophobie. La chancelière Angela Merkel a condamné clairement le mouvement à l’occasion de ses vœux. Mais on lui reproche d’avoir abandonné le terrain à l’extrême droite. Sur ce point, la position de la CSU, la branche bavaroise des conservateurs de la CDU, reste ambiguë. Ses leaders ont relancé le thème du droit d’asile pour se profiler politiquement. Il faut maintenant voir s’ils vont faire pression sur Merkel pour radicaliser les positions du gouvernement sur la question. Si la CDU glisse vers l’extrême droite, le mouvement de Dresde en profitera.

 

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