Rudi Vervoort: «Mon intention était d’ouvrir le débat, en aucun cas de blesser»




« Le débat sur la déchéance de nationalité qui se mène au Fédéral pose des questions sérieuses. La déchéance de nationalité, cela a toujours été une arme utilisée par les régimes extrêmes. Quand on voit Auschwitz, quand on voit que dans l’Allemagne hitlérienne, les premières lois qui ont été votées, ce sont les déchéances de nationalité pour les Juifs. Le contexte est différent, mais regardez, on reprend quand même ces vieilles recettes aujourd’hui », affirme M. Vervoort en marge d’une interview sur le comité de concertation.
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« La déchéance de nationalité, c’est une recette qui a été utilisée par les Allemands pour considérer que les Juifs n’étaient pas des citoyens à part entière. Le régime de Vichy a fait la même chose : les lois d’exception de Vichy, c’était aussi la déchéance de nationalité des Juifs français à qui on retirait tous leurs biens. La déchéance de nationalité, ça a une histoire », ajoute-t-il.
Le Premier ministre Charles Michel, les ministres Jan Jambon et Geert Bourgeois ainsi que de nombreux membres du MR ont condamné les propos de Rudi Vervoort qu’ils ont jugés « indignes ».
Rudi Vervoort s’explique
« Mon intention était de rappeler des faits et de me référer à l’Histoire pour soulever une question et ouvrir le débat mais en aucun cas de blesser ou de heurter qui que ce soit. Si c’est le cas j’en suis désolé » a précisé Rudi Vervoort.
Dans un communiqué, le cabinet du Ministre-Président a tenu à clarifier la volonté de ce dernier :
« En tant que Ministre-Président de la Région Bruxelles-Capitale Rudi Vervoort soutient évidemment le Gouvernement fédéral dans la lutte menée contre le terrorisme. Rudi Vervoort précise que son intention n’était en aucun cas de comparer le gouvernement fédéral au régime nazi. La lutte contre le terrorisme et le radicalisme constituent des questions fondamentales. Cependant, il y a des propositions, dont le retrait de la nationalité, qui suscitent des inquiétudes réelles et légitimes au niveau des droits de l’Homme et des libertés ».
Le Ministre-Président à également précisé la pensée sur Twitter et devant les caméras:
Charles Michel déplore des propos « idiots et choquants »
Le Premier ministre Charles Michel a condamné mercredi les déclarations du ministre-président bruxellois à propos de la déchéance de la nationalité.
« Ce sont des propos idiots et choquants. Nous étions hier avec le Roi et la Reine à Auschwitz pour la commémoration de la libération des camps. La comparaison entre des juifs pourchassés et des terroristes condamnés est indigne », a-t-il déclaré.
Le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon (N-VA), et le ministre-président flamand, Geert Bourgeois (N-VA) ont tenu des propos similaires à l’encontre de la déclaration de Rudi Vervoort.
Didier Reynders juge ces propos « indignes »
Le débat sur la déchéance de nationalité a connu ces derniers jours des passes d’armes virulentes entre le PS et le MR en particulier, notamment entre le ministre francophone Rachid Madrane (PS) et le député fédéral Denis Ducarme (MR).
Interrogé sur La Première (RTBF), le vice-Premier ministre MR Didier Reynders a jugé la sortie de M. Vervoort « indigne » et affirmé avoir d’autres préoccupations que l’avis de l’un ou l’autre socialiste.
Il rappelle que la déchéance de nationalité est débattue dans d’autres pays d’Europe comme en France, où la mesure peut être décidée par un magistrat. Si l’on ne fait pas la différence entre le régime nazi et la lutte contre le terrorisme, l’on risque d’être confronté à un malaise, ajoute-t-il.
Vincent De Wolf : « La démarche du PS est scandaleuse »
Le chef de groupe MR au parlement bruxellois, Vincent De Wolf, a pour sa part jugé sur Bel-RTL que les propos de M. Vervoort quittaient le champ normal du débat démocratique. Il y voit une démarche concertée du PS. Dresser cette comparaison alors qu’on vient de célébrer les 70 ans de la libération d’Auschwitz est « complètement abject et scandaleux », a-t-il ajouté.
Il a ensuite convoqué, sur Twitter, les députés libéraux à se réunir en urgence.
Frédéric Cauderlier, le porte-parole du MR, estime que les « déclarations écoeurantes » visent à se faire « un coup de pub. C’est abject et nul ». Un qualificatif également utilisé par le chef de groupe du parti libéral à la Chambre, Denis Ducarme.
Sur Twitter, Olivier Destrebecq, le député régional de la Fédération Wallonie-Bruxelles, se demande « jusqu’où ira-t-on dans les amalgames nauséabonds ». Et de rappeler que la déchance de la nationale est possible en Grande-Bretagne : « Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un régime nazi… Après Madrane, c’est au tour de Vervoort de se montrer infâme. Le PS est tombé bien bas ».
Une réaction qui gagne les rangs de l’opposition
La députée Vanessa Matz (cdH) a tenu le même discours. « Quand on occupe une telle fonction, c’est indigne de faire ce genre d’amalgame, au lendemain de la commémoration que nous avons connue », a-t-elle dit.
La parlementaire s’étonne en outre de l’attitude du mandataire socialiste. Une loi votée en 2012, y compris par le PS, laisse déjà au juge le pouvoir de retirer la nationalité belge à une personne condamnée pour certains faits, dont les actes terroristes. La disposition ne vise toutefois pas les personnes nées en Belgique, au contraire du projet du gouvernement, ou du moins de ce qui en est annoncé.