Bruxelles. «Il n’y a rien derrière la haine»
Le Théâtre national était plein à craquer ce vendredi pour la première représentation de la pièce Djihad. Sur invitation de la ministre de la Fédération Wallonie Bruxelles, Joëlle Milquet (CDH), 700 élèves avaient fait le déplacement avec leurs professeurs. Ils venaient de cinq écoles différentes mais l’Athénée royal de Koekelberg représentait le gros des troupes avec 400 enfants.
Isabelle Bosmans et Anne Duroisin, professeures de français des 1ères A et B, avaient préparé cette sortie. « Nous avions déjà beaucoup parlé suite aux attentats de Charlie Hebdo, explique Isabelle Bosmans. Ils avaient besoin d’être informés des faits et ils demandaient aussi beaucoup d’informations sur la culture musulmane. Dans l’école, les classes sont mixtes même si 56 % des enfants suivent le cours de religion islamique. Et pour la pièce, nous avons préparé une série de questions à poser pour le débat. »
Avant la représentation, les enfants étaient assez excités. Certains révisaient les questions à poser, d’autres admiraient la salle. « Nous n’avions pas vraiment parlé de ces sujets avant les attentats, se souvient Bradley, 13 ans. On a fait beaucoup de recherches sur la liberté d’expression. » « Moi, je veux demander pourquoi ils ont choisi de traiter de la question des jeunes qui partent faire le djihad d’une façon humoristique », complète Samy, 12 ans.
Le noir se fait. Sur scène, Ben Hamidou, Reda Chebchoubi et Ismaël Saidi, l’auteur, jouent trois Bruxellois qui ont décidé de partir en Syrie « tuer des mécréants ». Chacun a son parcours de vie. L’un adorait Elvis Presley, passion désapprouvée par son père qui le guida vers la foi, l’autre souhaitait épouser une catholique mais la désapprobation de sa mère l’emporta, et le troisième, doué en dessin, dut arrêter car les dessinateurs vont en enfer. Endoctrinés, ils veulent tous combattre l’ennemi mais une fois sur place, la réalité les rattrape. Qui est finalement cet ennemi qu’ils ne voient pas ? Parfois les chrétiens, d’autres fois les sunnites, ou encore les drones. « Tout le monde sauf nous ». Rien n’est clair, ce qui fait douter les personnages du bien-fondé de leurs actions. « Ce sont les autres qui déterminent notre islam. On va rentrer et lire le Coran. »
Seulement, au retour, c’est la case prison puis celle du chômage. De quoi devenir fou, même si la voix d’un ami disparu au combat murmure qu’en fait le Coran « ne parle que d’amour. Nous avons été manipulés par la société. On aurait dû nous apprendre à l’école notre histoire. Les Frères se basent sur notre ignorance. Il n’y a rien derrière la haine. »
A la tombée du rideau, la salle est debout, les enfants enchantés. « Ils ont fait passer un message de tolérance tout en faisant rire. Je retiendrai qu’on n’est pas différents et qu’il faut lutter contre l’ignorance », conclut Samy.