Selon des diplomates, Wolfgang Schäuble pousse la Grèce vers la sortie de l’euro
>>> À lire : La Grèce mollit, l’Allemagne durcit
L’intransigeance allemande à l’égard de la Grèce ne s’explique pas seulement par la position extrême du Grand argentier allemand lui-même. Tous les 18 partenaires européens de la Grèce étaient unanimes à exiger que celle-ci revienne à eux avec une demande formelle d’extension du programme d’assistance. Et tous, depuis que la lettre grecque est parvenue hier matin, pensent que si elle constitue un pas capital vers un compromis, elle manque encore de précision. Une opinion résumée dans un langage ciselé au millimètre ce vendredi midi par Margaritis Schinas, le porte-parole de la Commission européenne : « Des discussions constructives sont en cours, du progrès a été accompli. Un accord est possible dans un avenir prévisible si tout le monde se montre raisonnable. Mais nous n’y sommes pas encore ».
En pratique, les partenaires de la Grèce souhaitent que celle-ci s’engage de façon beaucoup plus claire sur certaines promesses verbalisées de façon trop vague dans la lettre : sur le fait de ne pas engager de réformes unilatérales, et sur ce que les dirigeants grecs comptent faire en termes de mesures fiscales et de réformes pendant les quelques mois à venir, où Grèce et Eurogroupe négocieront l’avenir de la dette hellénique et de son programme de sortie de crise. « Il s’agit de voir comment la lettre du gouvernement grecque sera traduite en termes opérationnels : tout le monde souhaite être rassuré là-dessus », confiait une source à la Commission européenne.
Schäuble donneur de leçons, Varoufakis provocateur
Ce sont ces exigences qui sont formulées par différentes sources allemandes, mais aussi par plusieurs autres pays considérés comme appartenant au « bloc allemand ». (Dans ses déclarations, le ministre belge des Finances Johan Van Overtveldt tient un langage ferme assez proche de la phraséologie berlinoise.) Mais entre ces positions de fond, et les discours et l’attitude du ministre allemand des Finances et de son entourage direct, il y a plus qu’une nuance. Et ces derniers jours, de nombreux signaux et sources diplomatiques contribuent à faire le portrait d’un Wolfgang Schäuble qui en a tellement assez de la Grèce, qu’il préférerait, comme il le souhaitait déjà en 2012, la voir sortir de la zone euro. Cela permettrait au passage, à ses yeux, de donner une leçon à d’autres pays considérés comme « mous » (en matière budgétaire), tels que la France et l’Italie. Une autre source européenne nous signalait que l’Allemagne – ou au moins son ministère des Finances – soupesait très précisément, calculs à l’appui, si son intérêt financier résidait plutôt du côté du maintien ou de la sortie de la Grèce dans la zone euro…
Plus concrètement enfin, différentes sources diplomatiques évoquent le danger potentiel, pour la négociation, qui résulte de l’animosité montée entre le ministre Schäuble et son homologue grec Yanis Varoufakis. Certains jugent que la présence d’un autre membre du gouvernement que Varoufakis à l’Eurogroupe de cet après-midi aurait été plus avisée… Par exemple celle de Yannis Dragasakis, le vice-premier ministre chargé de la coordination de la politique économique, qui était présent au premier Eurogroupe consacré à la Grèce du 11 février dernier, et jugé beaucoup plus pondéré. Il faut dire que, de l’avis général, y compris venant de pays manifestant plus de compréhension pour la Grèce, Yanis Varoufakis rate peu d’occasions de heurter ou de provoquer ses interlocuteurs, que ce soit par ses déclarations publiques, mais aussi à l’intérieur des réunions de l’Eurogroupe.
L’ultimatum devrait se prolonger
À Bruxelles, un diplomate européen qui évoquait « ceux qui jouent avec le feu », recommandait, pour juger de ce qui pourrait être la position finale de l’Allemagne, de s’en tenir plutôt aux déclarations d’Angela Merkel, qui avait notamment indiqué à la fin du dernier sommet européen que « en Europe, on finit toujours par arriver à un compromis ». Ou encore, à ses 50 minutes de conversation téléphonique avec le premier ministre grec Alexis Tsipras jeudi, que ce dernier a jugé très positive.
>>> À lire : Le duo Hollande-Merkel à nouveau au bout du fil, avec la Grèce cette fois-ci
En tous les cas, une source européenne indiquait qu’il ne faut pas s’attendre à ce que la réunion d’aujourd’hui de l’Eurogroupe débouche sur un compromis : dans le meilleur des cas, Wolfgang Schäuble n’accepterait pas de conclure aujourd’hui. Et le week-end, que l’on avait pensé représenter la dernière échéance possible pour un accord entre Grèce et partenaires européens, s’avère pouvoir être « prolongé ». Car le « Lundi propre », qui précède le mercredi des cendres dans le calendrier orthodoxe, est un jour férié : la bourse d’Athènes est fermée.