Paul Furlan: «Le renouvelable est cher»

Le ministre wallon de l’Energie travaille sur la manière dont le vert doit trouver sa place en Wallonie. Entretien

Temps de lecture: 7 min

Les contours du paysage énergétique wallon sont remis sur la table à dessin. Après avoir revu les primes énergie-rénovation, le ministre de l’Energie, Paul Furlan (PS), travaille à de nouvelles orientations pour la production d’énergie renouvelable – seule compétence régionale dans ce domaine, le reste est fédéral.

Deux fronts se dégagent : une étude commandée au consultant Capgemini pour déterminer le potentiel des différentes filières du renouvelable ; et la répartition d’objectifs climatiques et énergétiques belges entre les Régions et le fédéral. Ce burden sharing concerne l’objectif de renouvelable, les émissions de gaz à effet de serre, la répartition du produit (200 millions) de la vente des quotas de CO2.

Une discussion difficile…

Le dossier est bloqué depuis 2008. J’avais trois possibilités. Un : calquer l’objectif wallon de renouvelable sur l’objectif belge (13 % de renouvelable en 2020, NDLR). Cela n’aurait pas été solidaire avec Bruxelles, qui est incapable d’en faire autant. Deux : fixer un objectif, comme l’a fait le précédent gouvernement. Cela aurait un impact économique non négligeable ; on peut être volontariste, mais le consommateur, lui, il voit la facture. Trois : mettre toute mon énergie à trouver un accord. C’est ce que je fais. Il faut un deal avant la conférence de Paris sur le climat, en décembre. Les débats progressent. J’ai rencontré mes collègues régionaux et du fédéral. Je verrai en tête-à-tête ma collègue flamande. C’est là que se trouve le blocage. Les Flamands sont plus refermés que jamais. Que Joke Schauvliege soit ministre CD&V est de nature à aider.

L’accord est essentiel : nous avons budgété 40 millions d’euros pour lancer un système de tiers investisseurs afin de financer des travaux économiseurs d’énergie dans le secteur public (communes…), le non-marchands (hôpitaux…) et les PME. Cet argent viendra des quotas CO2.

La Wallonie fait toujours dépendre sa contribution au Fonds vert pour le climat de l’accord intrabelge…

On libérera cet argent s’il y a un accord sur le burden sharing. Il faut un moyen de pression si on veut des solutions.

Et attendant cet accord ?

L’étude Capgemini de 2010 est en cours d’actualisation. Elle donnait au gouvernement wallon les priorités d’investissement par filière de renouvelable. Mais on n’actualise pas n’importe comment. Dans le passé, le développement du renouvelable était devenu un dogme. On n’envisageait pas ou peu son impact sur la facture du consommateur. Et on n’étudiait pas sa contrepartie en termes de création d’emplois et d’activités en Wallonie. Sur la base de l’étude, il faudra faire des choix d’options. Et déterminer des niveaux de soutien public. Je ferai une proposition au gouvernement dans le courant du mois d’avril.

Le précédent gouvernement avait prévu de produire 8.000 GWh d’électricité d’origine renouvelable en 2020, dont 3.800 par l’éolien. Que reste-t-il de cet objectif ?

Il se trouve dans le décret éolien mais doit encore être confirmé par le gouvernement. On a demandé à Capgemini d’élaborer des scénarios à 2020 et à 2030 et de calculer le développement des filières jusqu’à un certain volume de production. Ce sera au gouvernement de définir la répartition par filière. Je proposerai un modèle optimal à l’horizon 2020-2030. Au gouvernement, il y aura des arbitrages. Un compromis entre une vision à long terme idéale de la société et sa traduction en termes de coût, notamment pour la facture du consommateur.

Le renouvelable est trop cher ?

Le renouvelable est cher.

Mais il rapporte…

Il peut rapporter.

Les autres filières coûtent…

Toutes les filières coûtent. La filière verte n’est pas forcément la plus chère en termes de soutien public. Je n’ai pas de dogme. Il faut mettre en regard le coût des renouvelables avec le coût des filières non renouvelables. Ça fait partie intégrante de l’étude Capgemini.

On a parfois l’impression que le débat est réduit au prix. Mais on n’évoque pas les coûts cachés des filières traditionnelles, comme la dépendance énergétique, la pollution…

On étudie aussi cela. On ne réduit pas qu’au prix, mais il a son importance.

Le scénario 2030 prend-il en compte la sortie du nucléaire et les nécessaires alternatives ?

C’est une compétence fédérale. Notre hypothèse est que le nucléaire sera remplacé ; nous travaillons sur nos objectifs d’énergie verte.

Le fédéral annonçait un pacte énergétique belge…

Quand il y a une réflexion sur la stratégie énergétique de la Belgique, c’est tout juste si on est associé. On annonçait un pacte ? On attend l’invitation. Nous sommes prêts à participer à la réflexion.

Verra-t-on la Wallonie au sommet climatique de Paris ?

C’est un rendez-vous à ne pas rater. La pression est positive sur nous puisque je présiderai la délégation belge. J’y vais avec la volonté d’aboutir. Auparavant, en juin, j’aurai fait au gouvernement une proposition de plan air-climat-énergie. Nous gardons l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 % en 2020. Ainsi que l’idée des budgets carbone. Nous allons aussi introduire des accords de branche pour les PME.

« On ne va pas faire de la Wallonie un jardin d’éoliennes »

Au cours de l’interview, Paul Furlan a épinglé quatre filières renouvelables qu’il juge prometteuses. Voici ce qu’il en dit.

1 Photovoltaïque. Son prédécesseur Jean-Marc Nollet en sait quelque chose : le photovoltaïque wallon est un dossier brûlant. Et Paul Furlan semble avoir retenu la leçon : « Le photovoltaïque, je n’y touche plus. »

L’idée est donc de maintenir le système Qualiwatt actuel, qui donne une prime fixe pendant cinq ans à tous les ménages qui décident d’installer des panneaux. « Ce système est performant. Et je le dis d’autant plus facilement que ce n’est pas moi qui l’ai créé. Malgré tout, il n’y a eu que 900 installations en 2014 sur les 12.000 prévues. L’étude Capgemini prône la stabilisation de ce système. Reste à travailler pour rétablir la confiance », d’après le ministre.

2 Grand éolien. L’éolien terrestre est lui aussi en berne : seules neuf éoliennes ont été installées en Wallonie en 2014. Le Conseil d’Etat bloque la plupart des projets, trop nuisibles. Pourtant, l’éolien terrestre est la technologie renouvelable la plus mature. L’étude commandée par Paul Furlan le confirme. Le ministre de l’Énergie, qui estime que les intercommunales wallonnes devraient investir dans l’éolien pour profiter de la rentabilité actuelle, propose surtout un changement d’approche.

« L’objectif d’atteindre 3.800 GWh de production éolienne en 2020 est possible. Le tout, c’est de changer son fusil d’épaule dans la façon d’implanter les éoliennes. Il ne faut pas agir en dépit de ce que pense la population, mais plutôt aller vers les communes prêtes à devenir un territoire à énergie positive. » Paul Furlan compte même offrir aux communes volontaires une étude pour évaluer leur potentiel renouvelable. Reste à trouver un système de financement de ces études…

Et le socialiste réfléchit également à une autre piste pour augmenter l’acceptabilité des grands mâts : il a demandé aux gestionnaires de réseau d’étudier la possibilité d’octroyer une réduction de facture énergétique aux ménages vivant dans le voisinage d’éoliennes.

3 Petit éolien. Les petites éoliennes (30 mètres de haut avec un axe de rotation vertical), c’est le « dada » du ministre Carlo Di Antonio (CDH), en charge de l’Aménagement du territoire. La semaine dernière, ce dernier affichait dans nos colonnes son ambition d’en installer 10.000 dans les communes wallonnes. Et le ministre CDH est convaincu de la rentabilité de cette filière.

Paul Furlan, silencieux jusqu’ici, s’est enfin prononcé. Il se dit « moins enthousiaste ». Selon lui, le petit éolien « doit être évoqué » mais restera « une filière d’appoint plutôt marginale ». Un argument ne laisse toutefois pas Paul Furlan insensible : l’emploi. Car la société Fairwind se dit prête à développer du petit éolien en Wallonie sans le moindre subside. « On ne va pas faire de la Wallonie un jardin de petites éoliennes. Un certain nombre d’études indiquent que cette filière serait la plus chère en termes de soutien public. Mais si le producteur de Fairwind, avec qui j’ai pris rendez-vous, parvient à me démontrer le contraire, je reverrai ma position. »

4 Biomasse. Le ministre est moins disert sur la biomasse, mais il s’engage tout de même à intégrer cette filière dans sa réflexion. « La filière est certes coûteuse, mais cette énergie est stockable et elle dépend peu des circonstances extérieures comme le vent et le soleil. Le défi, c’est l’injection sur le réseau de la production d’électricité et de chaleur. »

 

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