Ce qu’il faut retenir de la polémique sur les cours philosophiques



Origine de la problématique
En 2013, les parents de Giulia, une élève au Lycée Jacqmain, à Bruxelles, ne souhaitaient pas que leur fille de 4ème secondaire suive les cours de religion ou de morale non confessionnelle. Selon eux, cela revenait à choisir obligatoirement une orientation philosophique ou religieuse, ce qui « ressort du domaine privé ».
Au mois d’octobre, la Ville de Bruxelles a refusé de dispenser l’élève. Les parents ont alors inscrit « contre leur gré » leur fille au cours de morale, mais ils ont également saisi le Conseil d’État qui a déposé une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle, dont l’arrêt vient d’être rendu en leur faveur.
Les débats du Soir
Après le tragique attentat survenu dans les locaux de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, le débat avait été relancé sur le maintien – ou la suppression – des cours de religion et morale dans l’enseignement officiel actuellement de deux heures par semaine. « Et si tout cela était de la faute des écoles ? » Certains accusaient les écoles de ne pas avoir enseigné le vivre ensemble correctement, tandis que d’autres pointaient du doigt la matière enseignée dans les cours de religion.
« Le problème, ce sont les extrémismes. Pas les religions. Ne faisons pas d’amalgame », s’était empressée de réagir Joëlle Milquet, ministre de l’Éducation en Fédération Wallonie-Bruxelles.
Durant le mois de janvier, la rédaction du Soir avait organisé un grand débat sur la question, invitant Carlo De Pascale (animateur à la RTBF), Luc Pirson (président de la Fapeo), Delphine Chabbert (de la Ligue des familles), Etienne Michel (directeur général du Segec), Olivier Maingain (président du FDF), Ikram (élève de religion islamique à l’athénée Gatti de Gamond), Thomas Gillet (professeur de morale laïque à l’Inraci), Radouane Attiya (professeur de religion islamique à l’Athénée Rogier de Liège), Eliott Van Oeteren (élève de morale laïque à l’Athénée royal Jean Absil), Caroline Sägesser (docteure en histoire à l’ULB), Michel Desmedt (inspecteur de religion catholique), Christian Leclercq (président du CECP), Edouard Delruelle (professeur de philosophie politique à l’ULg), Joëlle Milquet (ministre de l’Éducation en Fédération Wallonie-Bruxelles, cdH) et Louis-Léon Christians (professeur de droit à l’UCL).
Voir la vidéo du débat sur mobile.
La question du maintien de tels cours dans les écoles était au centre du débat. En voici un résumé.
Faut-il réunir tous les élèves plutôt que les séparer ? Pour Christian Leclercq, président du CECP (enseignement des communes et des provinces), c’est une évidence : « Ces cours philosophiques sont dépassés et il est dommage qu’il ait fallu les événements de Charlie Hebdo pour arriver à cette réflexion. Je pense que, dans l’officiel, il faut effectivement rapidement changer une des deux heures de cours philosophiques en un cours commun. Le vivre ensemble commence par là. »
Remettre les cours de religion en question est une chose, mais pour les remplacer par quoi ? « Nous poussons au remplacement de ces cours par deux heures de citoyenneté. On y mettrait l’histoire et le fait religieux, mais aussi on y replacerait l’élève comme citoyen de l’État, il y apprendrait son fonctionnement », propose Luc Pirson, président de la Fapeo. Les uns parlent de cours de philosophie, d’autres d’éducation à la citoyenneté. Edouard Delruelle (ULg) tranche : « Dans les actuels cours philosophiques, on fait tout sauf de la philosophie, au contraire de la France. Citoyenneté ou philosophie ? Les droits, les devoirs, le droit subjectif, mais aussi la vraie philosophie, pas lire Kant dans le texte, mais l’esprit critique, apprendre à penser par soi-même. » À ce stade, on le sait, l’accord de gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles prévoit le remplacement d’une heure de cours confessionnel par une heure d’éducation à la citoyenneté dans l’officiel. Joëlle Milquet (CDH), ministre de l’Éducation : « Si ça doit évoluer vers 2 heures, on doit en discuter avec le PS. Je suis ouverte à cette discussion mais ce n’est pas dans l’accord de gouvernement et l’article 24 de la Constitution dit qu’on doit donner des cours des différentes religions. »
>>> Le résumé complet à découvrir ici.
Supprimer les cours de religion : totalement ou partiellement ?
Pour rappel, l’accord de majorité PS-CDH bouclé l’été dernier prévoit de remplacer une des deux heures de cours de religion/morale par une heure de cours d’éveil à la citoyenneté, dans les écoles de l’enseignement officiel (et non le libre).
Quant au FDF, il avait envoyé un communiqué mi-janvier plaidant pour la suppression complète des deux heures de cours de religion/morale afin d’être remplacées par des cours de philosophie et de citoyenneté. L’objectif est de pallier « absence de valeurs liées au vivre en commun, un manque de connaissance des croyances de l’autre, une difficulté manifeste de dialogue ».
Pour Joëlle Milquet, il n’est pas question d’arriver à une suppression totale des heures de cours. « Je m’en tiens à l’accord de majorité. C’est déjà suffisamment difficile à respecter comme cela… », avait-elle déclaré.
Le récent arrêt rendu ce jeudi permet d’avancer un peu plus dans le débat : non, les cours de religion/morale ne doivent pas être obligatoires. Suite à cela, d’autres parents pourraient en effet être amenés à entamer les mêmes démarches que la famille de Giulia.
En attendant, Pierre Kroll nous propose une solution…