Marc Knaepen: «Pour se passer des pesticides, il faut recréer un équilibre biologique»

Jardiner sans pesticides, c’est possible. Marc Knaepen nous livre quelques-uns de ses trucs et astuces.

Temps de lecture: 6 min

En matière de pesticides, les particuliers ont la main lourde. Malgré le dosage précis inscrit sur le fl acon, la tendance à ajouter le contenu de deux ou trois bouchons pour s’assurer « que ça marche vraiment » est largement répandue parmi nos concitoyens. Elle l’est tant qu’à surface égale, la quantité de pesticides utilisée par le jardinier amateur est quatre fois supérieure à celle épandue par les agriculteurs. A la contamination des légumes cultivés s’ajoutent celle de toute la chaîne alimentaire ainsi que la pollution des eaux de rivières et des nappes phréatiques, par ruissellement. Marc Knaepen, agronome de formation et ex-collaborateur de l’émission « Jardins et Loisirs » (RTBF) nous livre ses trucs et astuces pour se défaire des pesticides à tout jamais.

Utiliser des pesticides au jardin, c’est devenu un réflexe. Comment dès lors s’en passer ?

Tout d’abord, les pesticides ne sont absolument pas nécessaires au jardin. C’est une mauvaise habitude, engrangée par la facilité de se procurer des substances chimiques pour éliminer tout ce qui nous dérange. Il est crucial de revoir sa conception du jardin. D’accepter que la nature y soit présente et d’arrêter de vouloir tuer les animaux vivants au jardin. La clé pour un jardin sans pesticides, c’est de laisser s’établir un équilibre biologique entre les zones sauvages et les zones cultivées, comme le potager ou les parterres. Il faut parvenir à créer un maillage écologique.

Qu’entendez-vous par zones sauvages ?

Ce sont quelques mètres carrés où on laisse pousser ce qui veut bien pousser. En n’intervenant pas, vont se développer des herbes folles attractives pour les insectes ainsi que pour les petits mammifères bien utiles comme les musaraignes. Aussi, semer des prairies fleuries sur quelques mètres carrés est dans l’air du temps. Mais attention aux graines présentes dans les sachets. Il faut privilégier les espèces de chez nous, comme les bleuets, les coquelicots, les chrysanthèmes des moissons. Par contre, les soucis, cosmos ou tagètes, c’est à éviter.

Avec le printemps, reviennent les limaces. Comment éviter aux laitues d’être grignotées ?

Beaucoup ont la fâcheuse habitude d’utiliser les granulés bleus, qu’ils épandent à la volée, sans trop mesurer. L’effet est radical : les limaces passent de vie à trépas. Mais ensuite, leur cadavre contaminé va être mangé par des hérissons et des oiseaux, qui vont eux aussi être tués par le métaldéhyde, autrement dit le biocide contenu dans les granulés. La version biologique, qui contient du ferriphosphate, est un meilleur choix car sans danger pour les hérissons et les oiseaux.

Et le piège à la bière ?

Ce n’est pas tant la bière qui attire les limaces, mais la levure qu’elle contient. Dès lors, une levure de boulangerie délayée dans de l’eau a le même effet. Une soucoupe de ce mélange suffit pour 30 à 50 m2 de jardin. Son pouvoir attractif étant très fort, il faut veiller à ne pas mettre trop de ces pièges, au risque sinon d’attirer toutes les limaces du quartier. L’emplacement idéal est après le jardin, dans le sens des vents dominants. En saison, la soucoupe peut se remplir vite. On dépose alors simplement les limaces noyées sur le compost.

On les considère comme des nuisibles, mais n’y a-t-il pas des limaces utiles au jardinier ?

Si, et c’est pourquoi il est nécessaire de recréer un équilibre au jardin. On connaît bien la limace orangebrune, l’ennemie jurée du jardinier, moins les petites noires qui sortent exclusivement la nuit et qui se régalent des pousses de salade. Il en existe une troisième, dont la particularité est de manger ces petites limaces noires. Cette carnassière, c’est la limace tigrée, avec une robe grise. En fait, aucune limace n’est nuisible. Elles participent toutes à la dégradation des matières organiques et font de l’humus.

En paillant, est-il possible de lutter à la fois contre les limaces et les mauvaises herbes ?

L’astuce, ce sont les paillettes de chanvre. Elles se collent sur la limace, laquelle ne pourra plus avancer beaucoup. Ensuite, c’est un produit naturel et neutre, il ne modifie donc pas le pH du sol. Autre atout : il garde l’humidité au sol, ce qui limite les arrosages. Et en couvrant la surface, il empêche les herbes indésirables de pousser et la pluie de damer le sol. Par contre, placer du gazon tondu ou de la paille équivaut à créer un repère à limaces. En outre, la paille a les défauts de capter l’azote du sol et de favoriser l’établissement des campagnols.

Préconisez-vous l’usage des paillettes de chanvre dans les parterres ?

Elles sont de couleur blanche, très flashy. Pour éviter ce désagrément visuel, mieux vaut opter pour des cosses de coco. Leur dégradation étant très lente, elles restent en place durant 8 à 10 ans. De plus, elles sont neutres. Pas comme les écorces de pin, qui contiennent beaucoup de tanins et acidifient le sol. Ces dernières sont à éviter et en tout cas à proscrire des cultures de rosiers.

« 77,5 % de nos insectes sont utiles. Il faut les favoriser au lieu de les tuer »

Et pour lutter contre les pucerons ?

Il y a les remèdes de grands-mères. Comme le savon noir bio, que l’on mélange à de l’eau tiède, et qui enlève la couche de protection cireuse des pucerons. On peut également les asperger avec du purin d’ortie. Il stimule la croissance de la plante et est un bon répulsif de contact. L’ancienne méthode demandait de laisser pourrir les orties dans de l’eau durant 10 jours, engendrant un purin à l’odeur forte. Mais les scientifiques se sont rendus compte que 4 heures suffisent pour que les molécules actives se retrouvent dans l’eau de macération. Fini la mauvaise odeur. L’action insecticide de ce produit dure une journée. En effet, il ne s’agit pas d’un remède systémique qui rentre dans la plante, mais d’un insecticide de contact dont il faut renouveler l’application chaque jour. C’est donc contraignant. Mais on n’est pas obligé de voir les pucerons comme des nuisibles. Ils font partie de la chaîne alimentaire du jardin.

Justement, quels auxiliaires naturels favoriser ?

Les chrysopes, les syrphes, les coccinelles et aussi les perce-oreilles. Ces mal-aimés consomment entre 100 et 150 pucerons. Si on les retrouve dans les fleurs durant la journée, c’est simplement parce qu’ils cherchent l’obscurité, pas pour les manger. Les jardiniers bio placent des abris (des pots en terre cuite remplis de paille accrochés à une branche d’arbre) pour favoriser leur établissement. Araignées, frelons, guêpes, bourdons, tous sont utiles. Savez-vous que 77,5 % de nos insectes sont utiles ?

Comment fabriquer un nichoir à insectes ?

Dans un bloc de bois non traité ou une bûche, on fore des trous de 2 à 12 millimètres de diamètre sur une profondeur de 15 centimètres. Les plus grands trous seront le repère des osmies, grande prédatrice des pucerons. De tels nichoirs, on en accroche dans les arbres autant qu’on le souhaite. En plus d’être utile, c’est un outil didactique pour montrer la vie aux enfants.

 

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