Crash de l’Airbus A320: au Vernet, la détresse des familles endeuillées


« C’est une honte, un scandale !, s’indigne Martine, habitante de Couloubroux, un hameau à deux kilomètres du site de l’accident. Qu’est-ce que ça veut dire d’avancer de telles choses sans précaution, pensent-ils aux familles ? Je suis furax. C’est irrespectueux et malsain. Ils feraient mieux de se taire. » « Moi j’éteins la télé, maintenant, c’est fini », déclare pour sa part Chantal, riveraine de Seyne-les-Alpes.
Pour Richard Bertrand, conseiller municipal du Vernet, où une seconde chapelle ardente a été dressée, cette information tombée en pleine nuit ne l’étonne pas et correspond à ce qu’il pensait depuis le début. « J’ai toujours cru qu’il s’agissait ou d’un acte terroriste ou d’un suicide, dit-il. Il est impossible que ce ne soit pas un acte volontaire, l’avion pouvait manœuvrer pour éviter la montagne et il est allé droit dedans. »
«Un suicide s’exprime par un passage à l’acte individuel »
« Je suis extrêmement surpris par cette thèse, s’étonne le maire de Seyne-les-Alpes, Francis Hermitte, qui réagit en tant que médecin généraliste. Pour moi, un suicide est l’aboutissement d’une souffrance personnelle et s’exprime par un passage à l’acte individuel. »
La présidente de la protection civile du département des Alpes-de-Haute-Provence, Marion Cotterille, chargée d’épauler les équipes de soutien psychologique aux familles des victimes, estime que cette théorie du suicide ne change en rien la prise en charge psychique. « Comme toujours avec ces drames, des tonnes d’informations circulent, les familles n’en sont pas épargnées, cela fait partie aussi des épreuves que l’on doit accompagner. A la douleur s’ajoute souvent la colère, et cette information risque d’accélérer encore ce sentiment. »
« Cette nouvelle ruine tous les efforts faits par les autorités – qui font communiquer les enquêteurs comme jamais – pour gagner la confiance des familles, regrette Stéphane Gicquel, président de la Fenvac. Dorénavant, le doute va être distillé dans leur esprit, d’autant plus facilement que pour ce genre de catastrophes, les familles sont toujours tentées par la théorie du complot. En effet, on a toujours du mal à admettre que c’est une simple erreur humaine qui provoque la mort de centaines de personnes. »
Les proches acheminés vers un lieu proche du drame
C’est dans ce contexte que, vers 15 heures, environ 300 proches des 144 passagers, pour la plupart espagnols et allemands, ont été acheminés vers Le Vernet, village au pied des montagnes et lieu le plus proche du site du drame. Quadrillés par des dizaines de gendarmes mobiles, les lieux offraient un singulier spectacle sous un soleil ardent : d’un côté une ruche de journalistes installait ses dizaines d’antennes télé, parqués sur une pelouse barricadée, de l’autre une prairie nue et silencieuse, endeuillée par le cortège des familles venues pleurer leurs disparus. Avec eux, face à la chaîne de la Blanche où se dresse le pic saillant de l’Estrop, rempart derrière lequel se trouve le lieu du crash, les autorités locales ont partagé un temps de recueillement. Dès 14h30, un couple main dans la main, abattu par le chagrin, arrivait par ses propres moyens. A Seyne-les-Alpes, ce sont les proches des membres d’équipage qui se sont recueillis dans l’autre chapelle ardente.
Un peu plus tôt, une majorité de ces familles avait été accueillie par le procureur de la République de Marseille. Des personnes « en état de choc », selon lui, qui s’interrogeaient sur la récupération des corps. Les proches du copilote étaient également arrivés en France. Mais avec la théorie du suicide, certains avançaient qu’ils auraient pris des chemins séparés du convoi collectif pour rejoindre la chapelle ardente du Vernet.