Le plan Wathelet a vécu: Bruxelles va pouvoir dormir

Ce jeudi entre en vigueur le moratoire sur le plan de survol de Bruxelles instauré par Melchior Wathelet (CDH), qui n’aura vécu qu’un an.

Temps de lecture: 8 min

Dans certaines communes de Bruxelles, on attend le 2 avril comme les enfants la Saint-Nicolas. Dans d’autres, voire parfois en d’autres lieux des mêmes communes, mais aussi dans la périphérie est de la capitale, on redoute cette date comme le jugement dernier. C’est ce jeudi en effet que devient effectif le moratoire au plan de survol de Bruxelles, au départ et à l’arrivée de l’aéroport de Zaventem. Le « plan Wathelet », dont la phase la plus redoutable pour les Bruxellois avait été mise en œuvre le 6 février 2014, aura donc vécu.

C’est à la suite d’une ordonnance du tribunal de première instance de Bruxelles du 31 juillet dernier que le plan Wathelet a été annulé. Le gouvernement fédéral précédent, et la secrétaire d’Etat CDH Catherine Fonck qui avait succédé à Melchior Wathelet à la tête de la Mobilité, avaient décidé de ne pas interjeter appel de ce jugement. Et les partis de l’actuelle majorité fédérale avaient inscrit ce moratoire dans leur programme de gouvernement. Bref, tous ou presque s’accordaient à le constater : le plan Wathelet était un désastre.

Si l’intention de tous les partis présents dans le gouvernement précédent était d’appliquer le principe de la dispersion des vols afin de répartir équitablement les nuisances, le résultat de ce choix se révélait catastrophique. Victime en effet, manifestement à son insu, de manœuvres partisanes internes dans son cabinet, Melchior Wathelet avait cautionné la suppression de la route de décollage dite du « virage à gauche serré », qui survolait les communes de la périphérie est, et établi une nouvelle route, celle du « virage à gauche large », où les avions changeaient de cap à 1.700 pieds (518 m d’altitude), soit au-dessus du parc du Cinquantenaire, pour se diriger ensuite vers Etterbeek, Auderghem et Watermael-Boitsfort.

En conséquence, d’une population d’environ 130.000 personnes directement affectées par les survols sous la première route, on était passé à plus de 400.000 personnes survolées par la seconde, selon une étude de l’ULB commandée par le SPF Mobilité qui avait à l’époque fait grand bruit. Par ailleurs, avec le « plan Wathelet », le trafic s’était également intensifié conséquemment sur la route dite « du Canal » (392.000 personnes). Une contestation acharnée, regroupée sous la bannière du mouvement « Pas question », s’était dès lors rapidement organisée qui, plaintes à l’appui, a donc fini par obtenir gain de cause.

Une fenêtre de 14 mois

Et maintenant ? Tous s’accordent à penser que le moratoire ne peut être qu’une phase transitoire vers une décision définitive, encore à trouver. Sachant qu’une directive européenne entrant en application en 2016 rendra, selon certains, tout changement de routes ultérieur bien plus difficile à mettre en œuvre, certains estiment que le gouvernement fédéral et la ministre de la Mobilité Jacqueline Galant (MR) disposent d’une « fenêtre » de 14 mois pour établir un plan qui serait le moins nuisible pour tous. Mais entre les intérêts de la Flandre, pour qui la zone de l’aéroport constitue un pôle économique prioritaire, et la qualité de vie des Bruxellois, l’équation qui satisfera tout le monde n’est pas simple à résoudre.

Au cabinet de la ministre Galant, on indique que celle-ci communiquera sur la question ce jeudi. Le bourgmestre de la commune d’Etterbeek Vincent De Wolf (MR) avait annoncé lundi dans un débat sur Télé Bruxelles que la ministre avait lancé un forum de concertation sur la question, et qu’une trentaine de communes avaient été invitées à une première réunion pour le 21 avril prochain. En fait, cette concertation ne concernera semble-t-il que les lourds travaux programmés cet été sur les pistes de l’aéroport, qui auront d’importants effets sur les routes aériennes (lire ci-contre). Ceux qui vivent dans l’axe de la piste 25 Droite – 07 Gauche doivent d’ailleurs se préparer à souffrir particulièrement : celle-ci sera la seule utilisable sur les trois entre le 3 et le 15 août.

Situation actuelle

Situation au 2 avril

TÉMOIGNAGES

Pierre et Agnès: « Dans le jardin, on doit se parler en morse »

Pierre et Agnès ont acheté leur villa à Woluwe-Saint-Lambert voici 47 ans. « A l’époque, se souvient le retraité, l’aéroport n’était pas ce qu’il est aujourd’hui. La région était encore verte. Jamais je n’aurais commis cette erreur si j’avais su. On a payé cher et l’impôt foncier est élevé. Or, on n’a plus aucun bénéfice de notre maison. On ne peut pas dormir la fenêtre ouverte. Moi qui adore être dans mon jardin, je ne peux pas écouter la musique ou entretenir une discussion. Il faut sans cesse s’interrompre et ça devient du morse. »

Bien sûr, durant l’application du plan Wathelet, la vie du couple s’est un peu améliorée. Mais pas totalement. « Nous avons vu moins d’avions passer au-dessus de la maison. Mais il y en avait encore. Ça a été mieux à partir de l’entrée en vigueur du plan en février. Puis la mobilisation s’est mise en marche du côté ouest de la ville. Après deux mois, nous avons déjà récupéré des avions. Et de plus en plus. »

La maison du couple se trouve en plein centre de ce qu’il appelle « le quadrilatère maudit ». Jeudi, les nuisances vont donc reprendre de plus belle. Pas question pourtant de déménager. « Pourquoi ?, interroge Pierre. C’est notre maison. A cause des avions, sa valeur a diminué. On me dit de l’insonoriser mais ça ne sert à rien puisque c’est dans le jardin que les nuisances sont les plus fortes. » Pierre ne souhaite pas non plus rejeter toutes les nuisances sur d’autres communes. « Nous voulons que les décollages et atterrissages soient mieux répartis entre les communes pour ne plus être la poubelle sonore. Que les avions qui décollent pour Venise ou Milan passent au-dessus de notre jardin, je peux le comprendre car ils vont vers le sud. Mais ceux pour Berlin, ça n’a pas de sens. »

 

Myrna: « J’ai payé un prix considérable car le calme, ça se paie »

Dans sa mercerie de la rue Vanderelst, à Watermael-Boitsfort, Myrna respire la zénitude au milieu de ses pelotes de laine et de ses sacs en feutre. Pourtant, aux fenêtres de dizaines de maisons avoisinantes fleurissent encore les affiches jaunes du comité Pas Question qui exigeait l’interruption du survol de la commune. Un fait désormais acquis qui réjouit la jeune femme.

« Auparavant, j’ai habité durant 4 ans à Woluwe. J’ai donc vécu avec les nuisances des avions. Pour avoir du calme, j’ai donc décidé d’acheter une maison à Watermael-Boitsfort. J’ai payé un prix considérable car le calme, ça se paie. Je le sais d’autant mieux qu’à l’époque je travaillais dans une agence immobilière. Je peux assurer que la spéculation autour des biens qui étaient survolés ou pas est grande. J’ai donc été très énervée quand en février le plan Wathelet est entré en vigueur. Comme certains clients qui ont payé leur habitation très cher et qui voient des avions passer au-dessus de leur toit. »

« Le plus désagréable, c’est lorsque je suis dans le jardin, poursuit la commerçante. Durant l’été, on aimerait quand même pouvoir profiter du calme de son jardin. Ça n’a pas été le cas cette année. A l’intérieur, ça va car j’ai la chance de disposer d’une très bonne isolation. De toute façon, je trouve que ce sont les nuisances sonores dans leur ensemble qu’il faudrait diminuer à Bruxelles. Y compris celles des voitures. Ça reste de la pollution. »

Dès jeudi, Myrna devrait donc pouvoir profiter à nouveau de son jardin. Au calme. Elle n’en garde pas moins une certaine amertume. « J’en veux aux personnes qui ont pris la décision de faire survoler nos communes sans la moindre concertation. Sans penser aux conséquences et à l’impact que cela allait avoir sur la population. Finalement, comme des citoyens se sont mobilisés, certains responsables politiques ont pris peur et ont fait machine arrière. »

 

Martine: « J’ai besoin de l’avion, j’en supporte les désagréments »

De son appartement flambant neuf situé au 22e étage de la Up Sight Tower de Bruxelles, Martine a une vue imprenable sur tout Bruxelles. Du palais de justice en passant par la Basilique de Koekelberg et l’Atomium. Elle peut admirer tous les hauts lieux de la capitale grâce à ses immenses baies vitrées surplombant le canal de Willebroek. Durant l’été pourtant son confort risque fort d’être altéré. Des travaux effectués sur deux pistes du Brussels Airport vont dévier tout le trafic aérien sur la route du Canal. Soit au moment de l’année où ce trafic est le plus dense. Pas de quoi perturber outre mesure la bonne humeur de la retraitée.

« J’ai acheté la vue car l’horizon n’est pas bouché, explique cette veuve d’un homme d’affaires français. Je voyage avec les nuages quand je ne le fais pas pour aller visiter mes enfants qui vivent à Boston, New York et Washington. Je le ferai encore à Pâques et au mois de juin car l’une de mes filles va accoucher. L’avion fait donc partie de ma vie. J’en ai besoin et il est donc normal que j’en supporte aussi les désagréments. »

Très souvent, Martine reçoit des amis dans son nouvel appartement. « Bien sûr que des avions passent au-dessus de chez moi, concède-t-elle, mais ça ne me dérange pas. L’immeuble est très bien isolé. Quand il fait beau, on se retrouve sur la terrasse mais les nuisances ne nous empêchent pas de passer des bons moments. Ça ne perturbe pas nos conversations. On habite en ville, c’est un choix. Je crois que certains veulent le beurre et l’argent du beurre. Pour exister, certains ne trouvent rien d’autre que de râler. Les nuisances vont augmenter pendant deux mois. Et alors… Ça ira mieux après. »

 

Le fil info

La Une Tous

Voir tout le Fil info
Sur le même sujet La UneLe fil info

Allez au-delà de l'actualité

Découvrez tous les changements

Découvrir

À la Une