Carlo Di Antonio: «Charleroi Airport doit pouvoir s’agrandir»

Le ministre en charge des aéroports wallons souhaite investir dans un «petit terminal bis» afin d’atteindre 9 millions de passagers par an.

Journaliste au service Economie Temps de lecture: 7 min

Depuis bientôt un an, Carlo Di Antonio (CDH) est le ministre qui a en charge le toujours délicat dossier des aéroports wallons. Il y a quelques mois, l’Europe a imposé un nouveau calcul de la redevance que l’aéroport doit payer pour bénéficier des infrastructures financées par la Wallonie : 15 millions par an. Soit l’équivalent des bénéfices de Brussels South Charleroi Airport (BSCA). La décision européenne est contestée par la Sowaer (Société wallonne des aéroports, propriétaire des aéroports et responsable d’une majorité des investissements) et l’aéroport. Privé de bénéfices, l’aéroport ne peut plus distribuer des dividendes à ses actionnaires, notamment le groupe italien Save. Celui-ci veut geler les projets d’investissements, y compris le masterplan (80 millions) qui devait permettre à l’aéroport d’accueillir 12 à 15 millions de passagers d’ici 2020 (6,4 millions aujourd’hui).

On peut se permettre d’attendre le résultat de la contestation de la décision européenne, soit deux ans ou plus ? L’aéroport coince déjà aux heures de pointe et ne peut plus se développer.

Nous devons avoir une stratégie en attendant les résultats de la contestation et une stratégie à plus long terme. En théorie, la décision de l’Europe, et la manière dont elle calcule le montant de la redevance, est trop favorable à la Région. Elle estime que la société de gestion de l’aéroport devrait s’acquitter d’une redevance de 15 millions par an pour bénéficier du fruit des 200 millions d’argent public investis dans l’aéroport. L’aéroport payait 3,5 millions par an, l’Europe estime qu’il doit en payer 15. L’Europe oblige l’aéroport à rembourser trop vite et trop cher les investissements de la Région. À ce taux-là, la Région aurait intérêt à prêter de l’argent, ce n’est pas normal. La Région a donc, parallèlement, entamé des négociations pour que l’Europe accepte, paradoxalement, de moins bien la servir. Car le deuxième problème, c’est que si la Région veut aujourd’hui à nouveau injecter 10, 15 ou 20 millions, l’Europe impose que la redevance augmente proportionnellement.

Comment permettre à l’aéroport de retrouver sa rentabilité et d’investir dans un agrandissement bien nécessaire : l’aérogare prévue pour 5 millions de passagers par an en accueille déjà plus de 6 ?

L’Europe nous dit : la différence entre ce que l’aéroport payait avant et ce qu’on demande représente 2 euros par passager qui en rapporte en moyenne 7 à l’aéroport. Le message, en gros, c’est qu’il faut augmenter le niveau des recettes de l’aéroport. Soit sur le prix réclamé aux compagnies et aux passagers, soit en augmentant la capacité de l’aéroport de 1 ou 2 millions de passagers, ce qui permettrait de revenir aux marges bénéficiaires antérieures. C’est pourquoi on a validé et on soutient l’idée d’un investissement limité, un petit terminal bis, qui permettrait à l’aéroport de rapidement accueillir 9 millions de passagers par an. Ça représente un investissement de 15 à 20 millions. En échange, on demande aux compagnies non pas une augmentation de leurs redevances, mais de garantir un flux de passagers supplémentaire via l’augmentation du nombre d’avions basés à Charleroi.

L’actionnaire privé refuse de faire de nouveaux investissements tant que le dossier européen n’est pas clôturé…

Avec le projet qu’on soutient, en effet, pendant deux ou trois ans, il n’y aura pas de dividendes. Et alors ? C’est là qu’on va voir si nous avons des partenaires industriels soucieux du développement de l’aéroport ou des actionnaires financiers qui viennent uniquement chercher des dividendes. Si c’est le cas, on n’a pas besoin d’eux. C’est valable aussi pour les actionnaires privés de l’aéroport de Liège. Nous, on a besoin de vrais partenaires industriels, qui apportent réellement quelque chose au développement des aéroports. Tant pour Charleroi que pour Liège, on peut se montrer exigeants alors que, justement, on doit rediscuter des participations et que l’Europe change les règles du jeu. C’est donc le bon moment.

En parlant d’actionnaire, celui qui est devenu majoritaire, à l’aéroport de Liège, c’est TEB Participations, qui dépend de Publifin, ex-Tecteo. Vous connaissez leur stratégie aéroportuaire ?

L’histoire des actionnaires des aéroports est parfois surprenante. Au début, la Région était seule, puis on est allé chercher des acteurs locaux, puis des partenaires privés. La forme prise par les acteurs locaux peut donc changer. À nous de bien faire la part des intérêts généraux des aéroports et des intérêts privilégiés des actionnaires. Quant à la stratégie, quand on demande aux Aéroports de Paris ou à Save de présenter leurs objectifs, on le demande aussi aux autres actionnaires. Aéroports de Paris et TEB sont d’ailleurs venus présenter ensemble leur projet de développement pour Liege Airport.

Vous parliez aussi d’une stratégie aéroportuaire à plus long terme ?

Je crois que le paysage aéroportuaire doit être repensé. On a la Sowaer, on a deux sociétés de gestion, une à Charleroi et une à Liège, parfois en concurrence, avec des concessions de gestion limitées dans le temps (comment emprunter à 30 ans quand il ne vous reste que 25 ans de garantie de concession ?). L’organigramme général doit être revu sur la base de la ligne directrice européenne qui résultera des négociations et contestations en cours. Je ne suis pas opposé à l’idée d’avoir une seule société de gestion pour l’ensemble. On peut déjà préparer différentes pistes tant que les décisions européennes ne sont pas définitivement précisées.

« On envisage d’enregistrer les bagages dès la gare de Charleroi »

Vous aviez émis l’idée qu’il y avait mieux à faire qu’une gare de 400 millions à l’aéroport de Charleroi et qu’une liaison rapide, en bus, entre la gare et l’aéroport pouvait être rapidement développée et efficace. Vos partenaires socialistes, ardents défenseurs de la gare à Gosselies, ne semblaient pas vous suivre. Où en est le projet ?

Avec mes partenaires du gouvernement, nous sommes tous d’accord pour dire qu’un projet n’exclut pas l’autre. Celui de la navette rapide avance plutôt bien. Dans une prochaine réunion, on va rassembler les différents projets sur la table et je voudrais que, fin de cette année, on soit d’accord sur le dispositif et son développement. On a identifié toute une série d’étapes pour mettre au point une liaison rapide et on n’attendra pas d’avoir tout pour déjà concrètement évoluer.

On oublie le projet de gare ?

Non, il reste la priorité du gouvernement mais aujourd’hui, en 2015, on nous dit déjà que la gare ne serait pas achevée avant 2030, voire 2033. Même la ministre Jacqueline Galant (tutelle de la SNCB) admet qu’elle n’a pas, aujourd’hui, assez d’argent pour terminer le précédent plan d’investissement et le RER, alors… On ne va pas attendre, alors que tout le monde s’accorde sur le principe d’une navette rapide pour améliorer la desserte actuelle. Et le projet va plus loin. Ce qu’on imagine, aujourd’hui, c’est d’aménager le dernier quai de la gare de Charleroi-Sud, de le mettre en relation directe avec l’accès au bus, mais aussi de pouvoir déjà y enregistrer les bagages. Une bretelle devrait être construite pour donner accès direct sur le ring qui passe en surplomb puis, grâce à l’utilisation de sites propres, de la bande des arrêts d’urgence, etc., on doit pouvoir rejoindre l’aéroport en 8 ou 9 minutes. Les experts estiment qu’il faudra sans doute prévoir deux itinéraires à utiliser selon les heures et le trafic. On a déjà identifié une douzaine de choses concrètes qu’on peut réaliser. Et quelques autres qui doivent s’y ajouter pour composer un projet cohérent.

Du genre ?

On doit discuter avec Infrabel sur les aménagements du quai de gare, mais aussi avec la SNCB pour que l’offre soit adaptée. Aujourd’hui, les premiers trains qui arrivent de Namur ou Mons, arrivent trop tard pour prendre les premiers avions. Et partent trop tôt pour les passagers des derniers avions. Il faut donc que la SNCB améliore la desserte de la gare de Charleroi-Sud. Mais on ne va pas attendre que tout soit décidé pour lancer les travaux. Dès qu’on pourra faire gagner une minute de trajet, on le fera.

 

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