Le YouTube belge menacé
Les raisons invoquées sont d’ordre économique. « On pensait que le projet allait rencontrer un plus large succès. Le démarrage a été plus lent que prévu. Il y a eu des problèmes techniques sur la plateforme qui nous ont fait perdre trois mois. Ensuite, on s’est rendu compte que les annonceurs étaient assez conservateurs et rechignaient à venir sur une plateforme avant qu’elle ne connaisse le succès. Le CA de la RMB a estimé que la société ne pouvait pas continuer à supporter financièrement les pertes. Gérer une telle plateforme, c’est un métier d’éditeur. Or nous sommes une régie ».
Vike héberge actuellement 3.500 vidéos. Cette plateforme veut mettre en avant du contenu qui parle aux Belges. Elle est alimentée par une cinquantaine de partenaires locaux avec qui Vike a signé des contrats de partage des revenus publicitaires. Problème, il n’y a jusqu’ici pas eu grand-chose à se partager. La RMB pariait sur un peu moins de 500.000 euros de revenus cette année. Elle est loin d’être en ligne avec cet objectif après 4 mois. L’audience qui avait grimpé jusqu’à 110.000 visiteurs uniques par mois en décembre grâce à la websérie «Le stagiaire» s’érode et tourne aujourd’hui autour de 45.000, essentiellement à cause d’un manque de contenu exclusif.
Reste que le timing pour débrancher la prise surprend. Initialement, la RMB s’était donnée trois ans pour atteindre l’équilibre. Or, huit mois seulement se sont écoulés depuis le lancement… Une raison interne à la RTBF – la maison-mère de la RMB – serait à la source de cette précipitation. Alors que la RMB s’apprêtait à lancer Vike, celle-ci a appris la création au sein de la RTBF d’une cellule de webcréation dont l’objectif recoupe largement le sien : dénicher des talents locaux, produire de nouveaux contenus originaux pour le web (webséries, webdocs…), les diffuser à un large public… Deux initiatives qui se concurrencent au sein d’un même groupe et entre lesquelles il n’y a pratiquement aucune collaboration, ça fait désordre. Surtout lorsque l’une d’elles – RTBF webcréation – bénéficie de budgets bien plus conséquents, ce qui la met en position de chiper à l’autre des contrats avec des producteurs de contenu (webséries) et donc d’assécher son approvisionnement. Webcréation – qui ne poursuit pas d’objectif commercial – met même certaines webséries sur YouTube, le concurrent de Vike ! Pour mettre un terme à cette situation schizophrénique, Jean-Paul Philippot aurait tranché en faveur de webcréation.
Yves Gérard dément cette version des faits. « Il n’y a pas de concurrence interne. Avec webcréation, la RTBF est dans son rôle de service public en animant la production de nouveaux formats. Le modèle de Vike est différent. C’est le projet purement mercantile d’une société privée. Vike se veut indépendant de la RTBF afin de pouvoir se lancer dans des projets qui ne sont pas forcément en phase avec les valeurs de service public. Il y a de la place pour les deux ».