Tom Lanoye: «Le moment est venu de démystifier Bart De Wever» (vidéo)
« La tragédie en Flandre, c’est la guerre narcissique au sein du SP.A »
Si le propos se veut universel, la pièce s’inscrit dans l’histoire d’un parti de gauche sur le déclin et on ne peut immanquablement penser au SP.A, le parti socialiste flamand. Tom Lanoye a-t-il écrit une pièce antipolitique ou l’histoire du SP.A ?
« Ce n’est pas une pièce antipolitique, la tragédie décrite dans Revue Ravage est universelle, mais c’est vrai qu’elle est particulièrement d’actualité en Flandres. On l’a vu avec la mort de Steve Stevaert qui est une tragédie formidable et on le voit aussi avec une autre tragédie, celle qui se joue depuis des mois au SP.A, avec Bruno Tobback qui veut garder la présidence du parti. Le plus grand parti de gauche est en train de se concentrer sur cette bataille interne, cette bataille narcissique entre John Crombez et Bruno Tobback, alors qu’on a besoin d’une opposition forte pour le moment. Ce n’est pas normal que la seule opposition vienne d’un parti, celui des cathos (CD&V) qui est dans la coalition gouvernementale »
Revue Ravage décrit le désenchantement à l’égard de la politique et singulièrement à l’égard des discours de gauche. Vous êtes un déçu de la gauche ?
Ce n’est pas seulement la gauche en Flandre. C’est une analyse qui vaut pour le monde ou en tout cas pour la gauche en Europe. Les structures et les instruments sont d’un autre siècle et sont dépassés. Prenez la grève, par exemple : tout le monde sait que c’est important mais il y a une fatigue qui s’installe. Où sont les grands orateurs qui savent être indignés et combatifs ? Ça me manque terriblement.
Est-ce que ce sont des associations comme «
« Oui mais eux, il leur manque les structures. C’est un cul-de-sac : soit les structures sont trop fortes, soit vous avez une forte envie de faire quelque chose mais vous n’avez pas les structures pour les accomplir. On doit avoir une organisation »
« Je suis fasciné par Bart De Wever »
Est-ce que Bart De Wever pourrait être le héros de votre pièce, est-ce que vous l’imaginez, vieux, perdu, s’accrochant au pouvoir ?
« Il y a déjà chez lui, je pense, un degré de paranoïa qui s’installe. Il est bien entouré, mais il s’est entouré de gens qui ne le critiquent pas. Il faut reconnaître qu’il est surdoué du point de vue de la tactique, de la stratégie et de la propagande. Mais ce serait la première fois dans l’histoire de l’humanité que quelqu’un pourrait rester dans cet état de grâce pendant 30 ans. Cela dit, oui, je suis fasciné par Bart De Wever comme je l’étais par Guy Verhofstadt ou Barack Obama. C’est un grand politicien, on doit bien l’avouer. Il est paralysant pour ses adversaires, comme il l’est, par exemple, pour les journalistes de la VRT. C’est lui le maître du jeu lors des interviews. C’est lui qui détermine de quoi il veut parler et de quoi il ne parlera pas. Il n’est pas le seul, Verhofstadt, Leterme, Dehaene, tous faisaient la même chose. Cela dit, le moment est venu de démystifier ce qu’on a fait de Bart De Wever. Quand on y regarde de plus près, il n’est pas si grand que cela. J’essaie de le faire, c’est-à-dire d’être réaliste dans l’admiration que je lui porte mais je peux aussi vous dire qu’il n’est pas un si grand bourgmestre d’Anvers et je peux vous citer des dossiers de la ville d’Anvers qui ne sont pas bien gérés »
« Nous allons écrire Revue revanche qui critiquera les partis de droite »
Vous êtes un homme de gauche, en écrivant cette pièce qui flingue les partis de gauche, est-ce que paradoxalement vous ne faites pas un cadeau à la NV-A ?
« Si cette pièce était la seule que j’ai écrite, alors oui, ça pourrait être un cadeau. Mais ce serait aussi un cadeau de ne jamais critiquer ce qui est mauvais au sein des partis de gauche. On a déjà envisagé avec Jos De Pauw (l’acteur et metteur en scène) de faire une deuxième partie intitulée Revue Revanche, mais ce serait un cabaret alors, contre les partis de droite. Ce ne serait pas de la tristesse comme dans celle-ci mais quelque chose de plus cynique. »