Grand baromètre: Bart De Wever, le vrai patron du pays

Voici les enseignements du premier volet de notre Grand baromètre RTL Ipsos Le Soir.

Temps de lecture: 7 min

Une très large majorité de Belges estiment que c’est Bart De Wever qui dispose du vrai pouvoir et dicte la ligne gouvernementale à suivre depuis son hôtel de ville anversois : 63 % des Belges désignent le chef de file du parti nationaliste comme l’incontestable détenteur du pouvoir.

N’en déplaise à Charles Michel, le Premier ministre officiel n’a pas encore affiché suffisamment son autorité pour atténuer cette perception parmi les citoyens. Wallons, Bruxellois et Flamands sont sur la même longueur d’ondes : ils sont entre 35 et 38 % seulement à considérer que le locataire du 16, rue de la Loi, est le vrai boss du Royaume.

Non contente d’être la formation la plus puissante du pays, la N-VA s’offre donc le luxe de voir sa figure de proue considérée comme la personnalité politique la plus influente du Royaume. Un beau motif de satisfaction pour le bourgmestre d’Anvers, auréolé d’une fonction qu’il a toujours refusé d’exercer. Le beurre et l’argent du beurre, en somme…

Deuxième enseignement : les Francophones le jugent intolérant à l’égard de la communauté musulmane.

Le bourgmestre d’Anvers a récemment souligné le relativisme de la notion de racisme, précisant qu’elle était souvent invoquée comme excuse auprès de certains groupes de la population en désignant la communauté marocaine : « Surtout les Berbères. Ce sont des communautés fermées, avec une défiance envers les autorités ». Bart De Wever avait distingué cette communauté de certaines autres en affirmant n’avoir « jamais rencontré un migrant asiatique qui se dise victime de racisme. »

Ces déclarations ont surtout choqué en Belgique francophone. Ils sont 60 % à taxer Bart De Wever d’intolérance à l’égard de la communauté musulmane. En Flandre, ses propos ont mieux passé la rampe : 37 % des néerlandophones seulement partagent le même sentiment. On rappellera qu’une manifestation organisée par Abou Jahjah et son Movement X pour condamner cette stigmatisation sur base ethnique n’avait recueilli qu’une bonne centaine de manifestants sur la Grand-Place d’Anvers. Dans la Métropole, les mesures sécuritaires décidées par le bourgmestre N-VA sont plutôt bien perçues par la majorité de la population.

Ci-dessous, les autres enseignements du premier volet de notre Grand baromètre.

1.

Fédéral-fédérés : peu croient à l’entente cordiale

Il est conseillé aux gouvernements fédéral et fédérés de se parler, s’entendre idéalement, mais seuls les Bruxellois estiment que cela peut advenir… 52 % des Flamands, 54 % des Wallons jugent que c’est peine perdue. Des proportions pas rédhibitoires, mais qui renforcent l’inquiétude à propos du sort de notre Etat fédéral, qui ne peut pas survivre au dialogue de sourds, a fortiori à l’affrontement. Ce dont il est question en ce moment pour ce qui concerne, entre autres contentieux, la facture budgétaire (expédiée par le fédéral) dont Bruxelles et la Wallonie ne veulent pas entendre parler.

2.

Chamailleries : ça suffit !

La suédoise est devenue la coalition des chamailleries. C’est essentiellement entre partis flamands que ça se dispute. CD&V et N-VA en ont presque fait une habitude… Trop is teveel, estiment les sondés néerlandophones, à 85 % ! Un score sans appel qui incitera peut-être le gouvernement à resserrer les rangs.

3.

Pouvoir d’achat : une action mal perçue

Le gouvernement Michel a visiblement quelques efforts à fournir en matière de communication. Ainsi, l’action de la majorité fédérale en matière de pouvoir d’achat est jugée négativement. 58 % des personnes sondées estiment que leur « salaire poche » d’achat diminue depuis que la suédoise est en place. Ils ne sont que 4 % à penser le contraire. Sans surprise, c’est au sud du pays que l’avis est le plus sévère : 62 % des Wallons sont critiques, contre 58 % de Bruxellois, 55 % de Flamands.

Une perception très négative qui s’explique par le saut d’index. Et ce d’autant que le sondage a été réalisé après les vacances de Pâques, alors que le débat faisait rage à la Chambre. Le gouvernement fédéral doit se mordre les doigts d’avoir si mal communiqué, au début de l’année, sur l’augmentation de la déductibilité des frais forfaitaires.

4.

La réforme fiscale : la perception est négative

Le dossier phare du moment, c’est la réforme fiscale. Ici aussi, la perception générale est négative : 68 % des Belges disent ne pas croire le gouvernement lorsqu’il affirme vouloir diminuer l’impôt sur le travail. Ici aussi, les perceptions sont très différentes au nord et au sud. Les Flamands sont quand même 38 % à y croire alors que, pour 73 % des Bruxellois et 77 % des Wallons, le tax shift restera une vaine promesse.

La faute, ici aussi, sans doute, à la communication. La réforme fiscale fut l’un des sujets majeurs de la campagne électorale, mais l’un des grands absents de l’accord de majorité. Depuis la formation du gouvernement, c’est un thème récurrent… de discorde. Tout le monde a promis une baisse de la fiscalité. Les uns préconisent une réduction des charges des entreprises, les autres une baisse de l’IPP. Les partis divergent par ailleurs sur l’ampleur de la réforme fiscale, et la manière de la financer. Bref, une cacophonie que viendra peut-être clore une réforme négociée dans la discrétion… Mais pour l’heure, c’est sûr, les Belges n’y croient pas.

5.

L’action syndicale jugée fraîchement

Résumé de la situation : l’opinion publique (pour autant qu’elle existe, personne ne l’a jamais rencontrée) suit modérément le mouvement social, qui, lui-même, est hésitant, balbutiant ces derniers mois. Les réponses à l’enquête Ipsos montrent combien l’« action des syndicats » est, certes, perçue différemment au nord et au sud du pays (un classique), où se concentrent les opinions favorables, mais aussi, que le « citoyen » (le citoyen interrogé, en tout cas) balance, attend de voir, reste relativement distant… Ce n’est pas (encore ?) la folle adhésion, pas (encore ?) le rejet massif. On est dans l’entre-deux.

Pas enthousiaste mais pas rétive, l’opinion publique attend de voir, disions-nous : à preuve, les 29 % (en Flandre) et 34 % (à Bruxelles ainsi qu’en Wallonie) de personnes interrogées par Ipsos qui préfèrent ne pas émettre de jugement à propos de l’action syndicale aujourd’hui. Un ventre mou, un centre sociologique, qui peut faire pencher la balance, comme toujours.

6.

Marine Le Pen ne laisse pas les francophones indifférents

A l’heure d’effectuer le sondage, l’actualité, côté francophone, était aussi dominée par les élections françaises et la nouvelle progression du Front national. La question suivante a été posée aux Wallons et aux Bruxellois : « Si Marine Le Pen était présente en Belgique, seriez-vous prêt à voter pour elle ? » Verdict : 32 % des électeurs en Wallonie, 25 % à Bruxelles peuvent l’envisager. Précision utile : il ne s’agit pas, ici, d’une intention de vote, a fortiori puisque Marine Le Pen et son parti ne se présentent pas en Belgique. Les personnes sondées sont invitées à dire si elles excluent, par principe, totalement cette hypothèse ou si elles y réfléchiraient, si le cas de figure se présentait.

Les chiffres sont interpellants, mais l’analyse est difficile. Les sondés qui ont répondu « oui » formulent-ils cette réponse parce qu’ils ont des convictions d’extrême droite ? Parce qu’ils soutiennent les positions du FN contre la construction européenne ? Parce qu’ils soutiennent son programme économique qui n’a rien de droitier ? Parce que Marine Le Pen tient un discours populiste qui séduit par-delà les frontières ? Parce que cette réponse est une manière d’exprimer un rejet général des partis « traditionnels », de la politique en général ? Un peu de tout cela, sans doute. Une chose est sûre : le thème mérite une enquête plus approfondie.

Méthodologie

Cette vague de 2.436 répondants, formant des échantillons représentatifs des Belges de 18 ans et plus à raison de 952 en Wallonie, 963 en Flandre et 521 dans les 19 communes de la Région Bruxelles-Capitale, a été réalisée du 20 au 24 avril 2015 (17 au 24 avril 2015 pour Bruxelles).Les interviews ont eu lieu via l’Ipsos On Line Panel. La marge d’erreur maximale, pour un pourcentage de 50 % et un taux de confiance de 95 %, est de +-3,2 en Wallonie, +-3,2 en Flandre et de +-4,3 à Bruxelles. (Affiliations : Esomar, Febelmar).

 

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