Elio Di Rupo: «Nous ramènerons l’âge de la pension à 65 ans»

Le PS, s’il devait revenir au pouvoir, reviendrait sur une série de mesures : pensions, index, compléments chômage entre autres.

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Près d’un an après les élections du 25 mai 2014, sept mois après que le PS a basculé dans l’opposition au fédéral, Elio Di Rupo (re)fixe le cap d’un PS qui peine à trouver l’angle d’attaque contre le « gouvernement de la régression », ancré à droite, une cible manifeste et pourtant insaisissable, a-t-on l’impression. Voyons…

Législature 2014-2019, un an de passé : où en est-on ?, où en êtes-vous ?

N’oublions jamais qu’il y a un an, parmi les plus déterminés à ne pas toucher à l’indexation, à ne pas relever l’âge de la pension, à ne pas fréquenter la N-VA, il y avait le MR. En sept mois de temps, ils ont pris des mesures de régression que nous avions su éviter durant 25 ans. Nous devons expliquer cela et, en même temps, proposer d’autres politiques – je pense notamment à l’impôt sur les grandes fortunes : la Cour des comptes, illustrant notre proposition, a estimé qu’on pouvait trouver jusqu’à 2,3 milliards d’euros, ce qui serait un soulagement terrible par rapport aux mesures qui frappent les citoyens.

On disait que ce gouvernement ne tiendrait pas.

Qui a dit cela ? Ai-je jamais dit cela ? Une seule déclaration de ma part ?

Mais après un an, on aurait pu s’attendre à ce que le gouvernement Michel soit plus en difficulté…

Votre analyse, pas la mienne. Ils ont une majorité. Ce qui est regrettable, c’est que les francophones ne sont pas dignement représentés, puisque le MR représente 25 % des électeurs mais, pour le reste, ils ont une large majorité, de 85 députés, c’est une réalité. Quand le gouvernement décide de ne pas octroyer l’index, de porter la pension à 67 ans, de supprimer la comptabilisation des années-diplôme, de ne pas accorder les suppléments aux pensions anticipées, etc., les citoyens ne ressentent pas les mesures dans leur chair, ils verront les effets dans le temps. Là, ils se posent des questions, et nous, nous continuons à analyser, expliquer, proposer.

Le plus grave dans l’action du gouvernement après un an ?

La régression. On est en plein dans les années Martens-Gol. On est même dans la caricature des années Thatcher et Reagan. On applique des techniques dont on sait que ça ne va pas marcher. Jusqu’à 2014, la croissance économique de notre pays était supérieure à la zone euro, avec la méthode que j’avais baptisée « méthode belge », visant à ne pas toucher aux pensions, à l’indexation, en veillant au bon équilibre entre recettes et dépenses. Ce qui est prévu pour les prochaines années, c’est une croissance inférieure à la zone euro. La politique menée en ce moment va porter atteinte au pouvoir d’achat, au produit intérieur brut.

Dossier chaud pour les mois à venir, vous y avez fait allusion : les pensions. Le gouvernement y voit une réforme primordiale…

On repousse l’âge légal à 67 ans, on supprime la bonification des diplômes et maintenant, ce que nous craignons, c’est la « pension à points »… Je dois reconnaître que dans l’ordre du langage, ça marche : la pension à points, le permis à points… Sérieusement, si tout cela, comme c’est annoncé dans la déclaration gouvernementale, vise à « harmoniser » les pensions publiques et privées, alors ce sera catastrophique pour tous les agents des services publics, depuis le facteur jusqu’au directeur d’administration, car dans une carrière en fonction publique, on n’a ni les avantages – le deuxième pilier – ni la progression que l’on peut avoir dans le secteur privé… Or, le système était conçu de telle manière qu’à la fin, on a une pension publique un peu plus confortable, afin de compenser. C’est un peu le « deal » de société. Mais si, à l’avenir, vous n’accordez pas à la fonction publique les mêmes avantages que le privé et qu’en plus, les gens devront – comme les enseignants – travailler jusqu’à 67 ans, et se retrouver avec 25 % de pension en moins, c’est quand même un sérieux problème ! Notre rôle, c’est d’expliquer tout cela.

L’argument en face, c’est qu’il faut assurer le « financement » du système, et que leur réforme est indispensable à cet effet…

Souvenez-vous du rapport du « comité d’études sur le vieillissement », des grands experts, Frank Vandenbroucke entre autres… Que lit-on en juillet 2014 ? « Les pensions représentent 10,6 % du PIB en 2013, et représenteront 14,9 % en 2040, et 14,7 % en 2060. » Cela veut dire qu’en 47 ans, cela va augmenter de 4,1 % ; donc que la moyenne annuelle est de 0,087 %. C’est absorbable. L’enjeu étant : comment alimenter raisonnablement la Sécu ? Le rapport dit aussi que la France consacre déjà 14,5 % de son PIB au financement des pensions. Donc, c’est faisable. Vous voyez, ils viennent avec des pseudo-vérités, comme si c’était des évidences. C’est idéologique. Ils sont tout heureux de ne pas avoir à travailler avec les socialistes, qui ont toujours évité la dérive droitière. Ici, ils s’entendent comme larrons en foire.

J’ajoute : les rapports de l’OCDE indiquent qu’en termes d’inégalités, la Belgique est restée du côté des pays scandinaves. Malgré les difficultés – la misère, les problèmes sociaux –, on a réussi à positionner notre pays du bon côté et, ce que je crains, c’est que les inégalités s’accroissent maintenant. Je conseille l’ouvrage des britanniques Richard Wilkinson et Kate Pickett : « Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous ».

Le gouvernement fédéral annonce un « tax shift » en termes d’équité…

Vous savez ce que c’est, vous ?

Attendons de voir…

Oui, nous aussi, nous sommes en pleine attente. Bon, j’ai entendu que l’on n’excluait pas de taxer les revenus du capital spéculatif. Alors, quand on me demande ce que je trouve de bien, voilà. Même si c’est insuffisant. On est dans l’ordre du cache-sexe.

Rien ne trouve grâce à vos yeux dans la politique fédérale ?

Pas grand-chose jusqu’à présent. On n’a jamais eu un gouvernement aussi idéologique depuis la Seconde Guerre mondiale. Et ils frappent graduellement. Johan Vande Lanotte utilise l’image du supplice chinois. Exact. Pourquoi n’y a-t-il pas un minimum d’effort sur les plus aisés dans notre société, le 1 % des plus riches, un peu plus d’équité sociale ? C’est idéologique, disais-je : si la machine tourne, il y en aura pour tout le monde… Or, non, ce n’est pas vrai, il y a la logique de la maximalisation du profit, économico-financière, et celle de la répartition, du bien commun, qui nécessite un Etat organisé et fort. Sans pouvoir régulateur fort, le marché ne produira pas une élévation de la prospérité pour tous.

Faut-il en conclure que, pour ce qui concerne les pensions, le PS, de retour au pouvoir, ferait marche arrière ?

Oui. En ramenant la pension à 65 ans. Et, pour les gens qui n’ont pas de pension complète, nous laisserons la faculté d’aller au-delà.

Sur quelles autres mesures reviendriez-vous ?

Je pense au rétablissement de l’index, pleinement. A ceci encore : il faudra revenir sur la réduction du complément chômage pour les gens qui travaillent à temps partiel. Je pense aux caissières, aux caissiers des grands magasins, qui ont des horaires coupés. Injuste, et en plus, c’est un piège à l’emploi. C’est le contraire qu’il faut faire. Quel aveuglement idéologique ! Cette mesure aussi, nous la corrigerions immédiatement.

 

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