Olivier Chastel: «Oui, nous nous rencontrons, à trois, avec Di Rupo et Lutgen»

Sept mois après le lancement de la suédoise, le président du MR soutient que le gouvernement aligne efficacement les réformes ; assure que la N-VA tient son rôle ; et tente de renouer avec les partis francophones.

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Président du MR depuis décembre 2014, Olivier Chastel se pose en premier défenseur de la suédoise, emmenée par Charles Michel, son prédécesseur à la Toison d’Or. Le carolo a une autre mission : renouer avec les présidents francophones. Briser l’isolement libéral au sud du pays…

Charles Michel a déclaré mercredi soir à la RTBF, à propos de la N-VA : « Je me suis trompé »… Vous aussi ?

Ecoutez, très clairement, en campagne, ce n’était pas notre premier choix, on n’avait pas imaginé le déroulement post-électoral – le lancement, PS en tête, des majorités régionales, sans attendre les négociations fédérales –, ni qu’il serait possible pour la N-VA d’abandonner toute revendication institutionnelle et communautaire.

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Pour un temps…

Cinq ans, c’est déjà un temps relativement long. Une législature. Cela permet de se consacrer au socio-économique, ce que nous faisons. L’essentiel, c’est que ce gouvernement fonctionne très bien, avec moins d’accros que le précédent ; il réunit moins de partenaires opposés, où le Premier ministre, en particulier, devait faire la synthèse entre Laurette Onkelinx d’un côté, Alexander De Croo de l’autre… Ici, quel contraste avec les oiseaux de mauvaise augure qui annonçaient le chaos institutionnel, le chaos social, qui disaient que le MR était le maillon faible… Je ne vois pas un soupçon de problème institutionnel ; je vois la concertation sociale. Mais c’est vrai, il semble y avoir un problème de relation avec la Wallonie…

Cela vous tracasse ? La Wallonie, ce sont les partenaires francophones potentiels du MR…

Il faut œuvrer à la normalisation des relations. J’ai eu le sentiment ces derniers mois que les turbulences entre fédéral et Wallonie étaient le fait du gouvernement wallon, probablement parce qu’en l’absence de réalisations propres, il a besoin d’exister à travers la confrontation avec le fédéral…

Les coalitions sont antagonistes.

Pour autant, faut-il être dans l’opposition permanente pour exister ? On doit s’entendre. Bien sûr. On s’entendra avec la Flandre, on finira par s’entendre avec la Wallonie.

C’est votre responsabilité d’opérer cette détente avec le Sud ? Elio Di Rupo, Paul Magnette, vous les voyez ?

On se parle.

Vous les rencontrez ? Avec Benoît Lutgen aussi ?

Oui. On se voit à trois, comme on se voit en bilatérales – notez que les écolos ne sont pas tenus à l’écart, je verrai Zakia Khatabi et Patrick Dupriez très bientôt. Je n’ai pas à décrire l’état de nos relations, les rencontres n’ont pas à être plus publiques que ça. Il s’agit d’abord de se connaître un peu mieux. Aussi d’aborder les dossiers intéressant le fédéral et la Région.

Et vous évoquez ensemble le futur, éventuellement la fin de législature, la possibilité de voir la N-VA repartir en campagne sur le confédéralisme ?

Mais non ! Je ne vais pas présager de ce que la N-VA fera dans quatre ans, et l’institutionnel n’est pas sur la table ; il n’y a pas besoin de parler de cela. Ce qui compte avant tout, c’est le programme socio-économique. Chaque partenaire a trouvé ses marques dans la coalition. Et on mesure, en particulier, combien la relation que nous entretenons avec le VLD est de nature à stabiliser le gouvernement, avec Charles Michel qui fait la synthèse.

Vous parlez du VLD. On se souvient de l’axe MR-CD&V en campagne, Wouter Beke-Charles Michel…

Nous avons d’excellentes relations avec le CD&V. Nous avons des sensibilités de nature sociale en phase avec eux. Et on a reparlé de tout cela avec Wouter Beke cette semaine. Mais l’axe naturel, c’est avec le VLD.

La thèse circule : Bart De Wever veut sortir la N-VA du carcan communautaire, pour en faire un grand parti conservateur, de centre-droit, Merkelien : vous y croyez ?

Je ne vais pas jusque-là dans l’analyse, mais je constate simplement qu’ils appliquent l’accord de gouvernement, qu’ils se posent en partenaires responsables dans la gestion du pays, et dans des domaines importants, voilà tout.

On l’a dit, répété, mais ça reste un sujet : le MR est quand même revenu sur des positions de campagne : l’indexation, l’âge légal de la pension.

Quant à l’indexation, notre pays souffre d’un problème de compétitivité, et nous ne pouvons pas résorber le handicap salarial uniquement en baissant les charges sur le travail, mais bien avec un mix baisse de charges-saut d’index. Cela étant, on ne touche pas au mécanisme de l’indexation, et je précise que nous vivrons un franchissement de l’indice pivot, donc une indexation, sous cette législature.

Vous parlez de compétitivité, mais quel sens cela a-t-il de priver d’indexation les pensionnés ?

C’est bien pour cela, comme une forme de compensation, que le gouvernement exploitera l’enveloppe bien-être à 100 % : 1,3 milliard au total, dont plus de 500 millions seront consacrés exclusivement aux pensions.

Quant aux pensions, le rapport Vandenbroucke nous a incités à prendre un certain nombre de mesures, et, à partir du moment où il fallait travailler un peu plus longtemps, il nous est apparu rapidement assez logique que si l’on retardait quelque peu les retraites anticipées, on pouvait aussi, dans certaines conditions, retarder l’âge légal de la pension. Travailleront jusqu’à 67 ans celles et ceux qui seront en bonne santé, qui n’auront pas bouclé une carrière complète – 45 ans – avant cela, et qui ne feront pas partie de la catégorie des « métiers pénibles ». On est loin de la caricature faite par le PS.

Le gouvernement a supprimé la prise en compte des années diplômes pour les enseignants…

Mais là aussi il y a une caricature inimaginable ! On laisse croire que les enseignants vont tous travailler jusqu’à 67 ans, quand on sait qu’aujourd’hui, ils peuvent arrêter leur carrière professionnelle sur la base de trois particularités bien précises : la bonification pour diplôme – et là, c’est vrai, on a pris des mesures –, mais aussi les tantièmes préférentiels (une année d’un enseignant dans le calcul de sa carrière, c’est 1,05 année), enfin en comptabilisant, pour leur carrière, un mois par année prestée avant le terme. Ces deux mécanismes-là restent évidemment.

Mais Elio Di Rupo le dit quand même : on reviendra à 65 ans, ce sera une exigence du PS pour toute participation à un gouvernement…

Il restera donc dans l’opposition ! Je dis ça, ce n’est même pas sur le ton de la plaisanterie. Vous imaginez l’une des quatre familles politiques de ce gouvernement, notamment les trois partis flamands qui représentent 70 % de l’électorat flamand, revenir à 65 ans ? Et puis, plus fondamentalement, le PS est démagogique. C’est le plus stéréotypé des partis socialistes européens.

En Allemagne, ils reparlent des 63 ans…

On peut imaginer toutes sortes de systèmes, mais on s’oriente à peu près partout vers l’allongement de la carrière, en ce compris en repoussant l’âge légal de la pension. Le PS s’isole.

A propos du PS, le MR ne projette-t-il pas, après le fédéral, d’évincer la famille socialiste de Wallonie à la prochaine étape, en 2019 ?

Le président que je suis est à cent lieues d’imaginer des scénarios pour 2018 (les élections communales, NDLR) et 2019 (les élections fédérales et régionales). Je ne prépare pas de telles stratégies aujourd’hui. Ce n’est pas le moment. On se voue totalement au programme socio-économique du gouvernement. On travaille.

Qu’en est-il du fameux « tax shift » ? Le MR ne se profile pas beaucoup sur ce sujet de prédilection en principe, la réforme fiscale…

Précisons que l’épure budgétaire de ce gouvernement comporte elle-même le début de cette réforme fiscale, avec un transfert de fiscalité de 2,8 milliards en faveur du facteur travail. Pensez à l’augmentation des frais forfaitaires, ce qui a permis d’augmenter les salaires nets, dès le premier janvier dernier. On a accru aussi les recettes en termes de lutte contre la fraude sociale, contre la fraude fiscale. On a touché au capital, à hauteur de 1 milliard. Je dis : cela n’est pas suffisant. Il faut poursuivre. D’où le tax shift. Je ne veux pas donner de chiffres et de formule précise dans les médias, parce que je veux y arriver, je veux que cela réussisse. Je n’ai pas d’exclusives. Je sais qu’a priori, si j’étais seul à décider, je m’attaquerais à un certain nombre de comportements, aux pollueurs, aux fraudeurs, aux spéculateurs.

Dans quel délai faut-il boucler ce tax shift ?

Il faut que, d’ici l’été, nous sachions ce que représentera la réforme fiscale pour cette législature. Les premiers éléments devront s’appliquer dès le premier janvier 2016, pour y aller progressivement ensuite, jusqu’à 2019.

>>> Lire aussi: Notre dossier sur le tax shift: oser la vraie grande réforme fiscale!

Si vous deviez identifier une mesure, une chose que le MR mettra sur la table de négociations…

Je pense aux pollueurs… On parle tous du diesel, on est harcelés par les associations qui traitent de santé, et qui nous disent : pourquoi taxe-t-on aussi peu le diesel en Belgique à l’inverse des autres pays européens ? Je ne dis pas qu’il faut absolument « taxer » le diesel, mais il y a aura des éléments touchant les comportements liés à la pollution. Comme il y aura des éléments en capital.

Un mot à propos de Marie-Christine Marghem, ministre MR de l’Energie, attaquée par l’opposition, en difficulté…

Sur le fond : Marie-Christine traduit le souci de ce gouvernement de garantir l’approvisionnement énergétique de ce pays à court terme, l’hiver prochain, et les suivants, avant que l’on rééquilibre le mix énergétique. Tous ceux qui croient que nous irons au-delà de 2025 pour Doel 1 et Doel 2 se trompent. On n’ira pas au-delà de 2025 en aucun cas. Sur la forme, elle aurait pu être plus « spontanée » pour donner au parlement l’ensemble des documents en sa possession. A sa décharge, elle a rédigé son texte, d’une complexité juridique rare, avec un tas d’avis de toutes parts : lesquels fallait-il rendre publics ? Quoi qu’il en soit, elle est supercompétente, cela n’est pas en cause.

>>> Lire aussi: Les conclusions du Conseil d’Etat que la ministre Marghem a voulu cacher

 

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