Voici les points majeurs de l’accord entre la Grèce et ses créanciers




Nous avons un « Greekment », s’est félicité lundi matin le président du Conseil européen Donald Tusk, en réponse finale au spectre de « Grexit » qui planait depuis quelque temps. L’homme a été clairement à la manoeuvre des 17 heures de négociations entre la Grèce et ses 18 partenaires de la zone euro.
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L’accord conclu vers 9 heures lundi matin n’est pas encore – il faut insister là-dessus – une décision sur un plan d’aide à la Grèce. Il s’agit seulement d’un texte qui précise les conditions auxquelles les créanciers de la Grèce acceptent, si elles sont rapidement remplies par les autorités grecques, d’ouvrir formellement une négociation entre le Grèce et le Mécanisme européen de stabilité (MES : le fonds de sauvetage européen). Cette négociation durera sans doute quelques semaines, et détaillera un programme sur trois ans, qui portera sur un montant total de 82 à 86 milliards de prêts en faveur de la Grèce. Alors que la Grèce aurait voulu être débarrassée du Fonds monétaire international, les créanciers ont maintenu son implication dans le futur programme.
Mais c’est aussi un engagement politique capital, pour la Grèce comme pour l’ensemble de la zone euro.
Voici les points majeurs de cet accord
1. Un train de réformes grecques à voter
Les partenaires de la Grèce ayant perdu totalement confiance en le gouvernement d’Alexis Tsipras ont exigé que ce dernier fasse immédiatement voter par son parlement une série de réformes. Le premier projet de texte avait fixé l’échéance au 15 juillet (ce mercredi !), ce qui était complètement insensé. Le paquet a été coupé en deux blocs : la réforme de la TVA, le lancement de la réforme des pensions, l’indépendance de l’office des statistiques et l’instauration de coupes budgétaires quasi-automatiques en cas de déviation des règles du Pacte budgétaire, devront être adoptées d’ici mercredi. L’adoption d’un nouveau code de procédure civile et la transposition de la directive européenne BRRD sur la résolution (liquidation) des banques faillies, devront intervenir d’ici mercredi.
Le passage du premier paquet de lois est donc une condition absolue pour l’ouverture des négociations avec le MES.
2. Renforcement des réformes
Vu la détérioration de l’économie, de l’état du système bancaire et des comptes publics depuis l’introduction du contrôle des capitaux fin juin, la Grèce devra renforcer les mesures d’austérité ou de réforme visant à générer plus de recettes fiscales. Ces mesures portent notamment sur la libéralisation dans différents secteurs économiques, dont l’énergie, mais aussi du marché de l’emploi.
3. Le fonds de privatisation
C’est l’idée émise par l’Allemagne à la veille de la réunion : un fonds dans lequel seront apportés des actifs publics grecs destinés à être privatisés, et qui, comme Le Soir le révélait dimanche midi, s’est rapidement imposée dans la négociation. Plutôt que de laisser les autorités grecques mener les privatisations comme bon leur semble, un fonds sera créé, basé non pas à Luxembourg comme cela avait été imaginé dans un premier temps, mais bien en Grèce. Des actifs de l’État grec y seront transférés, pour une valeur qui devra atteindre au fil du temps (sur la durée des nouveaux prêts qui seront consentis à la Grèce) 50 milliards d’euros. Les banques grecques, qui devront prochainement être recapitalisées à hauteur de quelque 10 à 25 milliards, vu leur récente implosion consécutive à une crise des liquidités, seront du nombre de ces actifs.
Le fonds devra générer de l’argent, soit par des privatisations, soit en générant des profits par une gestion dynamique des actifs. Les Grecs s’étaient rebiffés, aux petites heures lundi matin, contre la privatisation (probablement vers l’étranger) de la quasi-entièreté de leur système bancaire. Ce raidissement semble avoir porté ses fruits. Car le texte final prévoit que, après remboursement des probables 25 milliards utilisés pour recapitaliser les banques, le reste des profits du fonds sera affecté pour moitié seulement au remboursement de la dette publique grecque (et non à 100 % comme l’avait imaginé l’Allemagne), l’autre moitié étant destinée à être investie dans l’économie réelle grecque.
4. Réforme de l’administration
Le gouvernement grec s’engage à mener un programme ambitieux de modernisation et dépolitisation de son administration. Il sera assisté en cela par la Commission européenne.
5. L’ex-troïka
Ce fut la première bataille homérique du gouvernement Syriza en janvier dernier : répudier la « troïka », c’est-à-dire les représentants des trois institutions (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) qui étaient devenus des superviseurs et tuteurs honnis du précédent plan de sauvetage. Toute la négociation – finalement rompue – depuis janvier avait dû se faire à Bruxelles, sous l’exigence du gouvernement grec : selon les experts européens et ceux du FMI, cela avait considérablement compliqué leur tâche. L’accord de ce lundi revient là-dessus : le gouvernement grec devra « normaliser les méthodes de travail avec les Institutions, en ce inclus le travail nécessaire sur le terrain à Athènes… »
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6. Les « retours sur réformes »
C’était un point qui, lors de la négociation nocturne, s’était avéré crucial pour les Pays-Bas. Le parlement batave, qui devra comme l’allemand approuver l’ouverture des négociations sur le troisième programme, était exaspéré par les marches arrière opérées par le gouvernement Syriza sur des réformes antérieures, contrairement aux engagements pris envers ses créanciers. Sans remise en cause de ces retours en arrière, le parlement néerlandais menaçait de refuser tout plan d’aide à la Grèce. Athènes s’engage donc à compenser ces « retours sur réformes », mais en ayant obtenu que ne soient plus remises en question des réformes qui avaient des objectifs humanitaires (alléger les souffrances des plus faibles face à la dureté des plans d’austérité).
7. Financement à court terme
D’ici à ce que la conclusion d’un nouveau programme de sauvetage permette au MES de débloquer les prêts pour la Grèce, Athènes devra encore assurer des paiements importants, pour lesquels elle ne dispose plus de moyens. Le pays avait déjà fait défaut le 30 juin dernier sur un remboursement de 1,5 milliard d’euros au FMI, auquel il aurait dû encore rembourser 700 millions ce lundi. Et surtout, c’est à la Banque centrale européenne que la Grèce devra rembourser 3,5 milliards d’euros d’obligations venant à échéance le 20 juillet, suivis de 3,2 autres milliards un mois plus tard. D’ici au 20 juillet, c’est au bas mot de 7 milliards que la Grèce a besoin.
Le projet de compromis prévoit que les ministres des Finances de la zone euro (l’Eurogroupe) trouveront des moyens rapidement mobilisables, notamment au travers de fonds européens existants, qui pourraient prêter l’argent nécessaire pour une brève période transitoire. Cela tombe bien : un Eurogroupe « ordinaire » était prévu justement pour ce lundi après-midi. Il se penchera immédiatement sur le sujet.
8. Dette
Un paragraphe annonce, conformément aux voeux grecs, la perspective d’une renégociation de la dette publique. Il mentionne toutefois qu’ « aucune réduction de la valeur nominale de la dette ne sera entreprise ». Ce qui laisse la possibilité d’une réduction non nominale, c’est-à-dire l’allongement de la durée des prêts, ou la réduction des taux d’intérêt. « Cette discussion, expliquait le premier ministre belge Charles Michel qui avait beaucoup milité auprès de ses collègues pour ce type d’engagement différé, aura lieu d’ici la fin de cette année. » Le texte précise : « lorsque la première évaluation de la mise en oeuvre des mesures aura été conclue avec succès ».
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9. La clause « Grexit »
Dans le premier projet d’accord élaboré par les ministres des Finances dimanche matin, le dernier paragraphe indiquait que si la Grèce ne remplit pas les conditions qui lui sont demandées, « il lui sera offert une rapide négociation sur une sortie temporaire de la zone euro, permettant une possible restructuration de sa dette ». C’était la clause du « Grexit temporaire » prôné au départ par l’Allemagne. Pourquoi conserver cette clause, si tout l’accord conduit à l’inverse ? La Finlande, dont la nouvelle coalition au pouvoir avait décidé de ne plus participer à un plan d’aide à la Grèce, a longtemps voulu maintenir ce paragraphe. Il a finalement été supprimé.
10. Le paragraphe qui n’existe pas
Le problème le plus urgent pour la Grèce est le manque de liquidités qui a paralysé le marché bancaire : il empêche l’économie de fonctionner, et a mis les banques à genoux. C’est la Banque centrale européenne qui dispose seule du pouvoir et des instruments pour rouvrir le robinet à cash qu’elle avait fermé lorsque la Grèce avait fait défaut sur son remboursement au FMI fin juin. Mais la Banque centrale européenne est indépendante : ce n’est pas aux chefs d’État à lui donner des instructions. La BCE avait toutefois toujours laissé entendre qu’elle ne pourrait rouvrir le robinet à liquidités, que lorsqu’une perspective sérieuse d’accord et de refinancement s’ouvrirait entre la Grèce et ses créanciers. L’aspect le plus important de l’accord conclu ce lundi matin est qu’il constitue ce « signal » politique, qui doit permettre à la BCE de prendre « en toute indépendance » la décision de réalimenter les banques grecques. C’est ce qui devrait se passer dès ce soir, lorsque son conseil des gouverneurs doit se réunir pour remonter le plafond des ELA, les lignes de liquidités d’urgence qui avaient été gelées depuis la fin du mois de juin.