Rencontres Jeune Public de Huy: du théâtre nourricier pour les ogrelets

On ne vous en dit pas plus, seulement que le conte est à ce point captivant que la première (et seule) rangée d’enfants, présents à la première de la pièce, n’a pas moufté pendant plus d’une heure. Le profond silence ébahi de ces jeunes spectateurs en dit plus que toutes les critiques sur la justesse du conte moderne. Une fable qui brasse tout de même son lot de circonstances sombres, voire franchement infâmes, puisqu’il y est question d’un père capable de manger ses petits, d’une mère qui doute de son fils, d’un enfant qui lutte contre des pulsions assassines. Et pourtant, la mise en scène de Paul Decleire éclaire pas à pas ces recoins obscurs de la nature humaine pour en faire émerger de glorieuses issues. Dans un merveilleux duel avec lui-même, l’ogrelet apprendra que le désir se cultive, que la peur rend méchant, et surtout que la connaissance – celle qu’on engrange à l’école mais pas seulement – a raison des plus vils instincts. Dans un décor limpide, François Gillerot fait rudement bien l’ogrelet, gaillard et fragile à la fois, face à une Violette Léonard d’une douceur parfois diabolique dans le rôle de la mère. L’efficace simplicité de la Berlue nous avait déjà époustouflés dans leur précédente création, Le Grand Rond, mais elle redouble ici de portée. Du combat avec un loup aux festins saignants de l’ogrelet dans la chair tendre, tout est évoqué sans esbroufe mais, au contraire, avec une économie de moyens qui laisse toute latitude à l’imaginaire. Sans jamais être moralisateur, le spectacle touche à une infinité de sujets complexes. Oui, il arrive que les parents, à des degrés divers, fassent du mal à leurs enfants. Non, les héritages, si lourds soient-ils, ne sont pas indépassables. Avec cet ogrelet qui voulait une chose simple – être libre – on aborde la différence, la peur du monde, le repli, la volonté. Et le goût de la victoire car, pour vraiment réussir une épreuve, il faut avoir été tout près d’échouer.
Guizing
Plus qu’ailleurs, le théâtre jeune public a peur du silence. Peur d’ennuyer les enfants, peur de laisser la place au chahut, peur, en somme, de laisser les enfants avec eux-mêmes ? Toujours est-il que les compagnies qui font du théâtre pour enfants optent souvent pour des styles tapageurs. Pourtant, il est une compagnie qui ose s’éloigner de la fureur ambiante pour risquer un spectacle à la recherche d’une certaine quiétude. Paradoxal pour un spectacle sur le chant ! Guizing (dès 4 ans) du Théâtre Oz suit les pas d’une petite voix, toute frêle, qui n’arrive pas à se faire entendre. Elle voudrait chanter mais, trop consciente du monde extérieur, et pas assez confiante en ses capacités, elle peine à trouver sa place au milieu du bruit. Avec ses allures d’Amélie Poulain, la jeune chanteuse va peu à peu rentrer dans sa bulle et apprivoiser le silence pour réapprendre à écouter, à s’écouter, et se faire entendre. Aidée d’un ange gardien, elle va se dessiner des abris au sol, se donner du courage avec des costumes froufroutants, partir à la pêche aux sons, munie d’un casque magique. Audacieux, le spectacle sculpte délicieusement le silence mais distille aussi des notes de musique, un miaulement de chat ou des battements de cœur, Jeanne Moreau dans Le Tourbillon ou Julie Andrews dans La Mélodie du Bonheur, Luis Mariano ou la Reine de la Nuit. C’est doux et reposant. Idoine pour apaiser les enfants.