BERLUSCONI ET TAPIE,JUMEAUX JUSQU'AUX STADES: DIX ANNEES DE GLOIRE ET DE SOUPCONS

Berlusconi et Tapie, jumeaux jusqu'aux stades : dix années de gloire et de soupçons Une décennie s'est écoulée depuis 1986, mais les empreintes de cette année-là restent bien visibles sur la carte du foot international. Il est saisissant de constater en effet que les deux dirigeants les plus controversés de l'après-guerre ont déclenché leur offensive au même moment, quasiment jour pour jour. Tapie s'est assuré les commandes économiques de l'Olympique de Marseille le 18 février 1986 et Berlusconi a racheté le Milan AC le 20 février 1986. Tapie est devenu président du club le 13 mars 1986, et Berlusconi le 26 mars. En fait, le Français et l'Italien ont épousé des trajectoires parallèles, à ce point similaires qu'elles en deviendraient troublantes. Jumeaux en termes sportifs, Berlusconi et Tapie le sont également par leur démarche et présentent des ressemblances extraordinaires. Ils se targuent d'être des self-made-men dont la carrière a démarré au plus bas de l'échelle. Berlusconi s'est d'abord lancé dans l'électro-ménager et Tapie a commencé par vendre des téléviseurs. Le jeune Silvio rêvait d'être chanteur et écumait la région de Rimini en imitant Aznavour et Bécaud. Bernard raconte volontiers qu'il participa en 1959 à un radio-crochet où il interpréta une chanson de Sacha Distel. Sept ans plus tard, il empruntait le pseudonyme de Bernard Tapy pour enregistrer trois disques médiocres. C'était l'époque de la vache enragée, à laquelle allait succéder le business galopant. Mais en l'occurrence, Tapie et Berlusconi présentent de nettes divergences. Bernard n'a jamais été un bâtisseur. C'est un illusionniste, vendeur de vent et de sociétés en tranches. Silvio s'est construit un véritable empire : le Fininvest Group, dont les activités concernent en majeure partie l'audio-visuel. Propriétaire à près de 100 % des émetteurs privés en Italie, Berlusconi est un génie de la médiacratie. C'est sur ce thème d'ailleurs qu'il rejoint à nouveau Tapie. Les deux hommes ont compris que le pouvoir passait désormais par l'image. On connaît la coquetterie légendaire de Tapie; la presse transalpine raconte de son côté que Berlusconi a racheté à prix d'or aux agences italiennes tous les clichés où sa calvitie était trop visible, pour les remplacer par des photos plus avantageuses. LE COMPLEXE DU PARVENU Ce contrôle absolu de l'apparence constitue la clef d'une stratégie de séduction qui conduisit Berlusconi et Tapie jusqu'à la consécration politique. Si l'Italien ne put, davantage que le Français, éviter la chute aux enfers, il se hissa néanmoins plus haut : président du Conseil pour l'un, ministre de la Ville pour l'autre. Il faut dire que Berlusconi a toujours été un peu plus puissant et plus lourd que Tapie. N'empêche qu'en politique également, leurs points communs sont nombreux. Pistonné par Mitterrand, Tapie n'a pas accédé au pouvoir sans soulever quelques questions nauséabondes. Berlusconi a joué de sa sulfureuse amitié avec Bettino Craxi et s'est acoquiné avec les néo-fascistes cependant que Tapie défiait Le Pen. Mais le populisme unissait les deux manoeuvres, le reste n'étant qu'une histoire d'opportunisme. Parvenus coûte que coûte au pouvoir, Tapie et Berlusconi n'ont toutefois jamais été vraiment acceptés par la classe politique. Les auteurs du remarquable livre «Le Flambeur» dépeignent Tapie comme un prolétaire enrichi, qui roule des mécaniques et affiche sa vulgarité triomphante comme d'autres leurs armoiries. C'est en des termes semblables que «L'Équipe Magazine» parlait de Berlusconi en 1989 : Il n'est peut-être pas assez bien pour une certaine société (...) Pour certains, il n'est qu'un nouveau riche qui ne sait pas se tenir. Tapie et Berlusconi se sont servis du sport, à la fois pour rassembler les suffrages et pour s'octroyer une respectabilité. Autre extrait du «Flambeur» : Par la magie du foot, Tapie se sent l'égal de ces grands capitaines d'industrie que sont Jean-Luc Lagardère, Giovanni Agnelli ou l'étoile montante, Silvio Berlusconi. Déjà, il s'identifie à Sua Emittenza. Une certitude : Silvio et Bernard n'ont pas débarqué dans le football par hasard. Leur action procédait d'un calcul machiavélique et s'est développée selon des méthodes identiques. Lorsque Berlusconi s'appropria le Milan AC, le club lombard était en déliquescence. Il se remettait difficilement de l'affaire du «Totonero » qui avait précipité six ans plus tôt sa relégation en Série B. De surcroît, le président Giuseppe Farina allait être impliqué dans un scandale d'évasion fiscale qui allait le pousser à la démission. Un moindre mal par rapport au drame du Marseillais Jean Carrieu qui se suicida sur une falaise de Cassis deux ans après avoir cédé son poste présidentiel sous la pression de Bernard Tapie ! L'OM de février 86 n'était pas fort reluisant. Il avait connu la D 2 en 1981 et subissait la colère de son turbulent public. C'est alors que se pointa Super-Bernard. Il s'adjugea la sympathie des supporters en confiant le poste de responsable sportif à Michel Hidalgo, auquel il lança : Prends-moi les meilleurs ! Débarquèrent donc Giresse, Förster, Sliskovic et Papin rejoints ultérieurement par Waddle et autre Boli. Pendant ce temps, Berlusconi n'y allait pas de main morte à San Siro. Moyennant une première injection de 900 millions, il transformait le club en société financière, reconstruisait Milanello et orchestrait une fantastique campagne de transferts couronnée par l'acquisition des Hollandais Van Basten, Gullit et Rijkaard. Ces ténors du ballon auraient pour coach Arrigo Sacchi, un inconnu n'ayant jamais officié en D 1. En 1989, Milan était champion d'Europe... Tapie et Berlusconi étaient sur la même longueur d'ondes. Ils concoctaient les mêmes recettes : bluff, show, recrutement agressif voire démentiel. Milan creva tous les plafonds de la folie en embauchant Lentini pour plus de 700 millions. Dès 1989, la rumeur prétendait que Berlusconi mettait chaque année 200 millions de sa poche pour boucler son budget. En 1991, les dettes de l'OM s'élevaient déjà à 2 milliards. Bernard et Silvio ne fixaient aucune limite à leur politique de démesure appliquée, sur le terrain, par un bras-droit aveuglément soumis à l'autorité du patron : Adriano Galliani à Milan et Jean-Pierre Bernes à Marseille. Berlusconi et Tapie désignaient leurs amis avec la même minutie qu'ils choisissaient leurs ennemis : le Bordelais Claude Bez pour le Français, le Turinois Giovanni Agnelli pour l'Italien. Mais ce que les deux mégalomanes attendaient vraiment, c'était le combat des chefs, la confrontation directe. Elle eut lieu en mars 91 lorsque Milan et Marseille se rencontrèrent en quart de finale de la Coupe d'Europe. En apprenant le verdict du tirage, Tapie est devenu fou, se souvient Raymond Goethals. Pour lui, ce n'était pas Marseille-Milan, mais Tapie-Berlusconi. Et ce fut Tapie ! L'OM élimina Milan au stade Vélodrome et fit perdre la boule à Berlusconi : en voyage d'affaires, Sua Emittenza communiquait avec Galliani par GSM et ordonna à son assistant de faire évacuer le terrain lors d'une panne d'électricité survenue à deux minutes de la fin. Les Milanais refusèrent de reprendre la partie et écopèrent d'une suspension d'une saison. Le 26 mai 1993, la revanche se disputa à Munich en finale de la C 1. Là encore, ce sont les Marseillais qui l'emportèrent. Entretemps, Papin était passé de Marseille à Milan pour 420 millions. Il jeta l'an passé un fameux pavé dans la mare en confiant à des journalistes italiens que Tapie avait corrompu des joueurs milanais à Munich. JPP eut beau se rétracter, il demeurera toujours un voile de suspicion sur cette soirée bavaroise qui allait être l'ultime épisode du feuilleton. Torpillé par l'«affaire Valenciennes», l'OM évolue aujourd'hui en division 2. Tapie n'est plus son président... et d'ailleurs n'est plus rien du tout. Quant à Berlusconi, il s'est vite remis de ses deux défaites. Il s'est juré de reconquérir la Coupe des Champions et vient de claquer 600 millions pour s'offrir Weah et Baggio. Les tifosi sont contents. Le cirque continue. Pour longtemps ? SERGE TRIMPONT

Votre compte

BERLUSCONI ET TAPIE,JUMEAUX JUSQU'AUX STADES: DIX ANNEES DE GLOIRE ET DE SOUPCONS

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Plus de 18.000 personnes à la manifestation du non-marchand à Bruxelles

Info « Le Soir » La justice enquête sur les dépenses du parlement wallon

Qatargate, trafic de drogue... le Roi salue une Belgique «à la pointe de la lutte contre la corruption»

Sammy Mahdi charge Paul Magnette sur les pensions: «C’est un signe d’égoïsme et un doigt d’honneur à tous les jeunes»

L’intérim hospitalier bondit, l’inquiétude aussi

Standard, Anderlecht, Charleroi... suivez la dernière journée de mercato en direct

L’indemnité vélo pour tous les travailleurs belges dès le mois de mai

Quels sont les avantages du travail intérimaire ?

Comprendre l'indexation des salaires en Belgique

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel