Rwanda Des documents américains «déclassifiés» confirment les soupçons Washington a laissé commettre l'irréparable

Rwanda Des documents américains «déclassifiés» confirment les soupçons Washington a laissé commettre l'irréparable Comme la Belgique, les Etats-Unis savaient qu'un génocide se préparait au Rwanda en 1994, mais eux non plus n'ont rien fait... COLETTE BRAECKMAN Le gouvernement américain savait que des massacres à grande échelle risquaient de suivre la mort du président rwandais Habyarimana en avril 1994, mais non seulement il n'a rien fait pour prévenir la tragédie mais il a estimé, en tant que membre du Conseil de sécurité, qu' il n'y a avait pas suffisamment de justifications pour maintenir des forces de paix dans le pays. Des rapports conservés dans les archives du Conseil national de sécurité américain viennent d'être déclassifiés et ces documents révèlent que, alors que les milices hutues installaient des barrages dans Kigali et se déployaient dans tout le pays, les diplomates américains ont plaidé en faveur d'un retrait en bon ordre de la Minuar (la Mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda), et cela alors que la Belgique avait déjà décidé unilatéralement de rapatrier son contingent de Casques bleus. On savait déjà que les Etats-Unis, par deux sources au moins, étaient informés des préparatifs du génocide: tout d'abord parce que, en tant que membre du Conseil de sécurité, le fameux rapport de «Jean-Pierre» leur avait été transmis le 11 janvier 1994 par le fax du général Dallaire, un rapport qui relatait le recrutement de 1.700 Interhahamwes, prêts à pouvoir tuer 1.000 Tutsis par 20 minutes, ensuite parce que la CIA elle-même avait rassemblé des informations au sujet du recrutement des milices, des distributions d'armes dans le pays et de l'élaboration de listes de victimes.Il se confirme aujourd'hui que le département de la Défense était au courant de tous les projets des extrémistes hutus. Dans un mémorandum adressé au sous-secrétaire à la Défense de l'époque, Frank Wisner, un responsable du Pentagone déclarait: A moins de parvenir à convaincre les deux parties de retourner au processus de paix, un bain de sang majeur (des centaines de milliers de morts) s'ensuivra, qui pourrait vraisemblablement s'étendre au Burundi. Malgré cet avertissement, le département d'Etat, dans un télégramme confidentiel aujourd'hui déclassifié, ordonnait à la mission américaine à l'ONU de travailler à un retrait complet de la Minuar. On sait aussi qu'Américains et Britanniques s'étaient opposés à l'utilisation du terme «génocide», qui aurait entraîné automatiquement une obligation d'intervention. Tétanisés par l'échec en Somalie L'attitude américaine a donc lourdement pesé sur le vote en faveur du retrait de la Minuar le 21 avril 1994. A l'occasion d'une enquête remarquable sur le rôle des puissances occidentales, la journaliste britannique Linda Melverm (1) relève que les Etats-Unis, au moment du Rwanda, étaient tétanisés par leur récent échec en Somalie et elle souligne qu'alors que tous les Occidentaux quittaient Kigali et fermaient leurs ambassades, la Chine fut le seul pays à maintenir sa représentation. Melverm rappelle aussi qu'à l'époque le général Colin Powell, qui dirigeait l'armée américaine (il est aujourd'hui en charge du département d'Etat), déclarait à propos d'un éventuel renforcement des Casques bleus par des soldats américains: Aussi longtemps que je serai commandant en chef, je refuserai d'engager des hommes et des femmes américains dans une guerre inconnue, un pays inconnu, pour une cause inconnue, sous un commandement inconnu et pour une durée indéterminée. (1) Linda Melverm, «People betrayed, the role of the West in Rwanda's genocide», Zed Books, London, 272 p.

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