L’accord sur les salaires ouvre
une valse sociale à deux temps

Equilibré ou pas, l’accord intervenu dans la nuit de mercredi à jeudi entre les composantes du gouvernement fédéral n’en existe pas moins. Avec une série de conséquences pour les salariés. Et des suites attendues dans les prochaines semaines.1Un accord bas de plafondEn entérinant la marge salariale à 0,4 %, le gouvernement fédéral permet que s’enclenchent dans les prochaines semaines les négociations sectorielles pour les augmentations de salaires. Des hausses timides puisqu’elles ne pourront pas dépasser 0,4 % au cours des années 2021 et 2022 et que, dans certains secteurs malmenés par la crise économique, elles seront probablement nulles. Les employeurs rappelleront une fois encore que ces augmentations constituent un coût pour les entreprises et qu’elles s’ajoutent, pour les salariés, à l’indexation automatique des salaires (qui est un rattrapage par rapport au coût de certains biens et services) et à l’annuité.2Une prime pour qui ?A côté de cette maigre marge, le gouvernement autorise les interlocuteurs sociaux à négocier une prime corona exceptionnelle dans les entreprises qui ont enregistré des bénéfices malgré la crise. Elle sera de 500 euros net maximum et s’apparentera aux chèques consommation octroyés durant la crise (avec un champ d’application plus large). Là encore, il s’agit d’un plafond. Les employeurs devront en outre s’acquitter d’une cotisation de 16,5 % sur ce montant, là où CSC et FGTB réclamaient un versement de 25 % à l’ONSS afin de financer la sécurité sociale. A priori, les négociations devraient se dérouler en entreprise, sans précision concernant le secteur d’activité. Cela signifie que les salariés de certaines PME, où il n’y a pas de représentation syndicale, pourraient passer à côté de cette prime. Sauf à se mobiliser ou à tabler sur la « générosité » de leur employeur.3Dans les secteurs ou pas ?Ce mercredi, la FGTB déplorait que l’accord ne prévoie pas de négociations sectorielles pour cette prime. Avec la conséquence évoquée ci-dessus concernant les travailleurs des entreprises sans délégation syndicale. A la Chambre, le Premier ministre, Alexander De Croo, a tenu à démentir cette lecture de l’accord, assurant que des négociations sectorielles étaient tout à fait possibles. « Si on veut qu’elles le soient, on l’écrit explicitement dans l’accord », réagissait Thierry Bodson, président de la FGTB, doutant qu’il soit possible d’imposer ce niveau de négociation à des employeurs qui n’en voulaient pas la semaine passée.4Un fragile équilibreA priori, la prime et la marge salariale sont désormais acquises. Elles auront d’ici peu force de loi afin de permettre les négociations sectorielles et de contraindre patrons et syndicats à respecter les plafonds fixés. Et après ? Le gouvernement a identifié quatre autres dossiers sur lesquels il invite les interlocuteurs sociaux à se pencher : l’amélioration du salaire minimum, l’harmonisation des pensions complémentaires pour les ouvriers et les employés, la prolongation d’un nombre plus élevé d’heures supplémentaires autorisées et la question des fins de carrière.Toutefois, le dossier du salaire minimum semble renvoyé à l’après-crise. Au point que Paul Magnette (PS) menace : il y aura accord sur tout ou sur rien. Menace réelle ? On imagine mal le PS bloquer la marge salariale et la prime car celles-ci devraient très vite être coulées dans la loi alors que les premiers échanges sur le salaire minimum n’auront pas encore eu lieu. Par contre, les quatre dossiers soumis aux interlocuteurs sociaux semblent constituer un package équilibré : deux sont chers aux syndicats et deux autres intéressent davantage les employeurs. Il faudra donc trouver un équilibre fragile entre ceux-ci, sous peine de voir ces thématiques revenir dans les mains du politique, au détriment de la concertation.

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