Un possible cessez-le-feu après une pluie de bombes

La Russie avait annoncé pour ce mercredi le début d’un deuxième round de pourparlers : il aura finalement lieu ce jeudi. Et, selon Moscou, il y sera question, pour la première fois depuis le déclenchement de la guerre, d’un possible cessez-le-feu. Une déclaration qui tranche avec le déluge de feu qui s’est abattu ce mercredi sur Kharkiv.Cette ville du nord-est de l’Ukraine, située à 50 kilomètres à peine de la frontière russe, a été pilonnée par les forces russes toute la journée. « Il ne reste plus de zone qui n’ait pas été frappée par un obus d’artillerie », a expliqué un conseiller du ministre ukrainien de l’Intérieur.« Un calcul très cynique »Est-ce vraiment pour la Russie la meilleure façon de montrer sa bonne volonté à l’entame de pourparlers ? « On a souvent tendance à opposer guerre et diplomatie, mais les deux sont liés », décode Julien Pomarède, chercheur en sciences politiques à l’ULB. « On assiste ici à de la diplomatie de guerre : la Russie frappe les positions ukrainiennes pour mettre la pression sur les Ukrainiens, faire passer le message que si le gouvernement Zelensky ne capitule pas, les morts civils et militaires vont continuer à augmenter. Or il ne peut pas faire souffrir sa population outre mesure : c’est donc un calcul très cynique du côté russe. »Dans Le Monde, l’historien Thomas Gomart (IFRI) évoquait une tactique militaire russe visant à créer « le choc et l’effroi ». C’est ce qu’ont ressenti ces centaines de milliers de familles qui ont déjà fui leur pays et toutes les autres, terrées dans des espaces souterrains.Une peur extrême renforcée par des informations évoquant la présence en Ukraine de combattants tchétchènes, de membres de la milice privée Wagner ainsi que d’armes thermobarriques ayant une capacité de dévastation terrifiante : l’ambassadrice ukrainienne aux Etats-Unis a évoqué ce 1er mars la présence de ces armes.« La formule “le choc et l’effroi” me semble pertinente », ajoute Julien Pomarède. « Ce n’est en effet pas bon signe qu’il y ait en Ukraine des soldats tchétchènes ni des groupes Wagner, qui ont commis des exactions en Syrie et au Sahel. Il faut cependant être prudent à propos des objectifs qui leur sont attribués. Du sabotage ? C’est très probable. L’élimination du président Zelensky, cela reste à confirmer. Quant aux bombes thermobarriques, leur présence n’a pas été confirmée. »Erreur de logistique russeUn autre fait du jour, c’est l’arrêt de l’immense colonne de véhicules russes qui se dirigeait vers Kiev. « Poutine a pensé prendre les grandes villes ukrainiennes avec des troupes aéroportées, quelques véhicules légèrement blindés et très peu d’appui logistique : erreur. La logistique est aussi importante que les moyens militaires », analyse Julien Pomarède. « En Russie, le système de transport militaire fonctionne surtout par rail parce que le pays est immense. Mais hors du territoire, il faut passer par les routes, et l’organisation n’a pas été à la hauteur. »Après 7 jours de guerre, plusieurs bilans ont été communiqués : le ministère ukrainien de la Défense a annoncé que 5.840 soldats russes avaient jusqu’ici été tués par l’armée ukrainienne, le ministère russe de la Défense reconnaissant, de son côté, la mort de 498 de ses soldats. Par ailleurs, selon les services d’urgence ukrainiens, plus de 2.000 civils ont déjà perdu la vie.« Il s’agit très clairement d’une bataille des chiffres », poursuit le chercheur de l’ULB. « Des sources américano-européennes parlent plutôt de 2.000 soldats russes tués. A titre de comparaison, l’engagement américain en Afghanistan, sur 20 ans, a coûté la vie à 2.500 Américains. Donc, 2.000 soldats russes tués en une semaine de guerre, ce serait énorme. »Appel aux mères des soldats« Dans tous les conflits, la question du nombre de morts dure des années », décode Valérie Rosoux directrice de recherche au FNRS et professeur à l’UCLouvain. « On ne sait toujours pas combien de fellaghas algériens ont été tués pendant la guerre d’Algérie : il n’y a pas de consensus sur ce bilan. S’y ajoute la douloureuse question des disparus. Ce sont ces bilans que l’on cherche toujours à cacher quand il y a eu violation directe des traités internationaux, des droits humains. Les descendants des victimes, eux, ne vont jamais arrêter leur combat en faveur de la vérité. C’est comme une cascade de montagne : on ne peut l’arrêter. Nous sommes face à un désastre vertigineux. Après un conflit armé, le temps de la reconstruction ne se compte pas en années, mais en générations. »L’armée ukrainienne affirme par ailleurs avoir fait des dizaines de prisonniers depuis le début de la guerre : elle a invité les mères de soldats russes capturés à « venir les chercher, à Kiev ».« C’est assez fin », reprend Valérie Rosoux. « Dans de nombreux conflits, en Argentine ou en Tchétchénie, on a vu les mères ou les grands-mères devenir actrices pour la paix. Même si, vu la réduction actuelle des libertés en Russie, je ne suis pas convaincue du poids qu’elles pourraient avoir face aux décisions politiques. »

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