DE LA MISSION SAMOYEDE A LA RTBF D'AUJOURD'HUI

De la mission Samoyède à la RTBF d'aujourd'hui Si la guerre ultra-moderne ne peut plus se passer, jusqu'à l'excès, de la télévision - on l'a vu dans le conflit du Golfe... -, la radio demeure une arme redoutable dans les stratégies militaires. Elle l'était, évidemment, bien davantage encore, il y a un demi-siècle. L'INR joua non seulement parfaitement son rôle, mais devait sortir renforcée du conflit avec la naissance des stations régionales. Coup d'oeil dans le rétroviseur... Le 10 mai 1940, à l'aube, la Belgique se réveillait en sursaut: c'était, de nouveau, la guerre! À partir de 4 heures, les stations allaient émettre sans interruption. Communiqués officiels et avis à la population se succédaient. Georges Kuhn, premier rédacteur au journal parlé de l'INR, fut le premier à annoncer les bombardements allemands aux Belges. Très vite, il apparut que les studios de la place Flagey n'étaient plus très sûrs. Dès le 11 mai, la radio déménageait dans une villa de Boitsfort. Le 15 mai, devant l'avance allemande, les émetteurs de Veltem étaient volontairement mis hors d'état de fonctionner. L'un d'eux (le «francophone») était sabordé, l'autre (celui du NIR) fut démonté et transporté en France. Une caractéristique propre à notre pays volontiers frondeur: l'ennemi ne put mettre la main sur aucune de nos stations et allait devoir importer ses émetteurs de Berlin... Après Boitsfort, l'INR allait déplacer ses hommes et son matériel à l'hôtel des Postes à Ostende. C'est là que naquit pour ainsi dire la mission Samoyède, de la rencontre de deux hommes épris de liberté mais aussi de communication: Paul M. G. Lévy, premier reporter à l'INR, et François Landrain, un expert en technique qui s'occupait de Radio-Schaerbeek, une station privée également réduite au silence, décidèrent qu'il fallait déjà préparer la libération du pays en installant, un peu partout, des émetteurs clandestins qui sortiraient de l'ombre le jour où les nazis seraient chassés de Belgique. Le projet allait mûrir peu à peu et une réelle amitié naquit entre les deux hommes. Bientôt Ostende ne fut plus très sûr non plus; le cap fut donc mis sur Lille puis sur Montpellier et Poitiers d'où partirent encore des émissions belges relayées par Paris. Le 14 juin 1940, toutefois, l'INR cessa ses activités. Très vite, le relais fut pris outre-Manche. Dès le 23 juin, le ministre Marcel-Henri Jaspar s'adressait aux Belges depuis Londres. Le service européen de la BBC allait aussi accueillir des voix de chez nous. Celles de Victor de Laveleye - l'homme qui serait à la base du «V» de la victoire, largement repris par les Alliés, Churchill en tête - et de Nand Geersens (Jan Moedwil à l'antenne) accompagnèrent les Belges jusqu'à la fin de l'occupation. Le gouvernement belge était conscient de la puissance psychologique de la radio. Il fit ainsi installer un puissant émetteur à Léopoldville en 1942 et créa l'Office de radiodiffusion nationale belge. Théo Fleischman, «la» grande voix de la radio d'avant-guerre, conçut un vaste plan pour la RNB. Au fil des mois, la radio nationale prit de plus en plus d'ampleur. Entre-temps, en Belgique occupée, la mission Samoyède préparait le terrain d'après-guerre. Onze résistants allaient y laisser la vie. Le gouvernement, de son côté, confia la préparation du retour de la radio à trois administrateurs de l'INR, MM. Boon, Kuypers et Clerdent, qui s'illustra aussi à la tête de l'Armée de libération. BRUXELLES, D'ABORD L'opération réussit - nous y reviendrons dans nos éditions du 5 septembre: quelques heures après la libération de Bruxelles, une émission annonçait la bonne nouvelle grâce à un émetteur installé à la chaussée de Ruisbroek. Au fil des jours, il émigra à l'avenue Louise, à Brussegem et, enfin, à Veltem. Dès le 5 septembre, un studio était remis en état à la place Flagey; ils le furent tous pour le 8 décembre. En Wallonie, aussi, Samoyède put produire ses bénéfiques effets: la première émission de Tamines démarra le 5, avec, au micro, Georges Kuhn, celui-là même qui avait annoncé le déclenchement de la guerre aux Belges en mai 1940. En mai 1945, les installations furent transférées à l'avenue de Stassart, dans les locaux occupés jusque-là par la Gestapo. Le 17 novembre, le ministre Rongvaux inaugura officiellement les locaux. Dans le Hainaut, une première émission partit sur les ondes d'Houdeng-Aimeries, vers 20 h 05. Louis-Philippe Kammans, qui la lança, devait devenir une personnalité importante à la radio. Radio Centre était né; deux ans plus tard, il s'installa à Mons, à la rue du Gouvernement, avant de prendre possession du jardin du Mayeur où il resta en place jusqu'en 1988. L'émetteur Samoyède de Liège fut opérationnel le 8 septembre 1944, à 9 heures, en même temps que la libération de la ville. Il fut installé à la rue Jean De Wilde. Son premier speaker fut Jean Mertens. En Flandre aussi, la radio nationale redevint progressivement libre. Au lendemain de la guerre, les stations régionales de l'INR furent toutes dotées d'un émetteur, d'une longueur d'onde et de programmes propres tout en relayant les informations depuis Bruxelles. En 1949, le plan de Copenhague, qui attribua les longueurs d'onde sur le plan international, n'octroya plus qu'une fréquence (267 mètres, en ondes moyennes) aux stations régionales. C'est pourquoi les stations régionales durent se partager, selon des tranches fixes, l'unique longueur d'onde disponible. Le réseau de l'époque préfigura l'actuelle Radio 2. La véritable régionalisation du service public de radiodiffusion se situa pendant les années soixante. Le conseil d'administration de la Radiodiffusion Télévision belge nouvellement instituée décida, en effet, de créer de nouveaux centres de production (Liège, Hainaut, Namur-Luxembourg-Brabant wallon) qui devaient réaliser progressivement des émissions au-delà du réseau régional proprement dit. Les centres allaient acquérir progressivement une grande autonomie avec des bâtiments, un personnel, des budgets, des émetteurs propres. En 1970 était créé le centre de production de Bruxelles. Deux ans plus tard démarraient les émissions matinales de décrochage régional. «Liège-Matin», «Hainaut-Matin» et «Sud Info» en sont les descendants directs. Cette évolution de la radio de service public précéda en quelque sorte la régionalisation du pays. Le terrain avait été bien préparé par la mission Samoyède... C. L.

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