Dialogue sur Internet.: adolescents en danger.? Le «.chat.» a la cote mais peut se transformer en espace de perversité Internet Terrains de jeux et de convivialité, les salons de conversation sur le Web sont aussi des espaces où règne la perversité Les ados donnent leur langue au «.chat.» Passeport pour pédophiles Les SMS, cible d'une prochaine campagne de Child Focus «.On peut tromper son monde, c'est à la fois drôle et vicieux.»

Dialogue sur Internet : adolescents en danger ?Le « chat » a la cote mais peut se transformer en espace de perversitéCommunicationHUGUES DORZÉEMARC METDEPENNINGENLe « chat » (prononcez « tchat »), ces espaces de discussion en temps réel sur Internet, en particulier pour les moins de 25 ans, est le dernier salon où l'on cause, où l'on bavarde, où l'on provoque des rencontres, des amitiés, des idylles virtuelles. Mais ces discussions en temps réel sur le Web sont aussi des lieux de manipulation, d'usurpation et de perversité.Simples, rapides, conviviales, ces tribunes virtuelles tantôt généralistes, tantôt spécialisées, sont squattées par des internautes mal intentionnés, des cyberpervers, des pédophiles avertis. Ils s'incrustent là où on ne les attend pas, au détour d'un « chat » consacré à Harry Potter, aux fringues pour ados ou à la dernière BD de Largo Winch ! Ils utilisent les codes en vigueur, le lexique « chat » (abréviations, acronymes, pictogrammes...) et contournent toutes les garanties fixées par la Netiquette, cette sorte de charte informelle à laquelle tout chatteur est censé se plier.Enfin, ils agissent sous pseudonyme et distillent des messages ambigus, fixent des rendez-vous, proposent des services « particuliers » et pénètrent dans l'univers, secret ou non, de ces adolescents et adolescentes pas toujours armés pour contourner leurs pièges. Certains sont facilement identifiables, tellement leur approche est grosse comme une maison, explique Pierre, un habitué du « chat ». D'autres agissent de façon plus insidieuse en présentant un double visage.Child Focus, le Centre européen pour enfants disparus et sexuellement exploités, s'inquiète de la recrudescence d'approches d'enfants par des pédophiles du Net. Deux affaires, l'une concernant une adolescente de 14 ans qui « chattait » avec un correspondant qu'elle croyait être un enfant de son âge, et l'autre, imputable à un circuit albanais de prostitution, ont eu pour décor ces « salles de discussion » prises d'assaut chaque jour par des millions d'internautes. Certes, il existe certains garde-fous, comme l'existence d'opérateurs bénévoles chargés de contrôler les échanges en direct. Quand je vois les horreurs qui passent dans les « salons », je me demande franchement à quoi ils servent, ironise une habituée. Seules la prévention et la vigilance des parents permettront aux adolescents de ne pas tomber dans le piège de ces salons de discussion, source de convivialité mais aussi de perversité.· Page 3Internet Terrains de jeux et de convivialité, les salons de conversation sur le Web sont aussi des espaces où règne la perversitéLes ados donnent leur langue au « chat »Les chats, ces tribunes virtuelles où l'on bavarde à l'envi, ont la cote chez les ados. Mais cet outil de communication, vecteur de « lien social », est aussi source de dérapages, voire de rencontres malsaines.HUGUES DORZÉE Homme, 30 ans, cherche filles pour film X. Oriane, 10 ans, n'en croyait pas ses yeux : une annonce aussi louche dans un chat (prononcez « tchat ») consacré à... Harry Potter, voilà qui surprend : De temps à autre, témoigne la jeune internaute, on tombe sur des gens pas clairs, des manipulateurs, des menteurs. On alerte alors les gestionnaires des sites pour qu'ils l'expulsent. Mais, parfois, ils reviennent. Friands de « chats rooms », ces salons de conversation en temps réel, les adolescents n'y sont pas à l'abri de pervers, de pédophiles, d'internautes mal intentionnés qui s'invitent là où on ne les attend pas : au détour d'une discussion anodine, sous un pseudonyme en apparence convivial, au cours d'un échange virtuel sur tel pantalon à la mode ou sur le dernier Britney Spears.Internet est un magnifique terrain de jeux pour les pédophiles, déplorait, récemment, Nigel Willimans, le directeur de Childnet International, une ONG britannique. Ils n'ont pas besoin de quitter leur domicile et d'aller au parc : ils se sentent anonymes, peuvent entretenir des contacts avec d'autres personnes ayant les mêmes perversions, cela leur offre aussi beaucoup d'opportunités de contacts avec des enfants.Certes, ces lieux de discussion facilement accessibles depuis Yahoo, MSN ou AOL, disposent de certains garde-fous : chartes des utilisateurs, opérateurs chargés de surveiller les échanges, exclusions... Mais cela ne suffit pas. Ces « intrus » profitent souvent du laxisme de certains fournisseurs d'accès pour s'incruster dans ces salons virtuels et distiller leurs messages à caractère pornographique ou pédophile.En juin dernier, l'équipe de bénévoles de MSN France chargée de contrôler la bonne tenue des débats a démissionné face à la recrudescence des salons pédophiles sur les chats étrangers MSN, notamment canadiens, mexicains et néerlandais : Cela ne se passe pas dans les salles installées par le fournisseur de service en ligne, mais dans celles créées pas les utilisateurs. Ce sont des adultes qui s'invitent dans des salles d'ados ou qui créent leur propre salle, en annonçant la couleur avec des messages du type : « Homme, 43 ans, cherche fillette, 13 ans », dénonçaient ces bénévoles de MSN France (1).Plusieurs milliers de chats sont ouverts simultanément, et certains d'entre eux ne durent que quelques minutes. Matériellement, il est impossible de tous les surveiller, rétorquent les fournisseurs d'accès qui rappellent que ces internautes indésirables sont immédiatement bannis soit leur mot d'accès aux salles est rendu inopérant, soit les chats contenant des mots douteux sont détruits. En outre, les adresses « IP » (Internet protocole) de ces suspects peuvent être communiquées, à leur demande, aux autorités policières. Je veux bien le croire, réagit un habitué de ces tribunes virtuelles, mais le principe de l'anonymat permet de manipuler n'importe qui. Le chatteur, qu'il soit novice, utilisateur occasionnel ou complètement accro, n'a pas une seule et même manière d'aborder ces agoras cyber. Sociologue à l'Université catholique de Louvain, auteur d'une importante enquête sur le phénomène des chats (2), Hugues Draelants a identifié 4 types d'utilisation : le canal utilisé comme terrain de jeux ; la recherche de convivialité ; la drague, la rencontre amoureuse ; l'appartenance à un groupe. Le salon de discussion est un lieu propice à la dissimulation, à la manipulation, à l'usurpation : En raison de l'anonymat dont ils jouissent au sein du chat, note le chercheur, certains vont profiter de la possibilité offerte pour se faire passer pour d'autres, pour changer virtuellement de peau, de personnalité ou de sexe. Le chat peut donc représenter un terrain privilégié pour jouer sur les identités.Le chat permet d'endosser de nouveaux rôles, d'oser des expériences virtuelles (drague, défi, bravade...), qu'on ne peut vivre dans son quotidien sans risque, ni conséquences sociales immédiates, précise Hugues Draelants. Le chat utilisé pour provoquer des rencontres en réalité ou même simplement des idylles virtuelles, peut forcément donner lieu à des dérapages : Il y a des chatteurs qui ne viennent que pour le sexe, confirme Sophie, 16 ans, une fidèle de Caramail. Avec l'expérience, on les repère vite. Question de vocabulaire, de ton...Dans ces cyber salons, où se mêlent la convivialité, le jeu, et parfois la perversité, les ados sont donc des proies faciles : Il faut sensibiliser au problème, leur donner les clés pour mieux aborder l'internet. Mais surtout pas leur faire la morale, conclut une pédagogue.·(1) « Le Monde » du 21 juin 2002(2) Auteur de : « Le chat : analyse sociologique d'un dispositif socio-technique de communication médiatisée par ordinateur ». Passeport pour pédophilesSi ce n'est pas une invitation aux pédophiles à investir ce site réservé aux chats entre enfants ou adolescents, ce ne peut être qu'une incommensurable bêtise des exploitants du site américain preteenchat.com.Lorsque l'internaute aboutit à la page d'accueil de ce site qui propose des « chatroom » aux enfants de 7 à 12 ans, aux ados de 13 à 15 et à leurs aînés de 15 à 19, une publicité apparaît : « Stop, vous êtes en danger ». Et d'expliquer que l'historique de votre navigation sur internet peut être facilement reconstitué.S'agissant d'un site réservé aux ados, on pourrait croire qu'il s'agit là d'une salutaire mise en garde aux pédophiles, ainsi prévenus qu'une intrusion dans ce site peut leur coûter cher. Mais la pub renvoie au site du fabricant du logiciel browsercleanser, qui se targue d'effacer instantanément tout l'historique de l'internaute. Jusqu'à donner comme exemple qu'une recherche portant sur « jeunes filles et chiens » ne laissera aucune trace.Une véritable aide aux pédophiles qui se voient proposer le site des enfants qu'ils convoitent... et l'outil pour échapper aux poursuites.·M. M.Les SMS, cible d'une prochaine campagne de Child FocusMARC METDEPENNINGENChild Focus, le Centre Européen pour Enfants Disparus et Sexuellement Exploités, s'inquiète de la recrudescence depuis ces douze derniers mois d'approches d'enfants par des pédophiles du Net. Deux cas au moins ont été traités par le Centre. Le premier concernait une jeune fille de 14 ans, qui « chattait » depuis quelque temps avec ce qu'elle croyait être un enfant de son âge. Mise en confiance, l'adolescente accepta un rendez-vous et s'aperçut alors que son correspondant était âgé de 35 ans.La seconde affaire, explique-t-on chez Child Focus, était imputable à un circuit albanais de prostitution. Une jeune fille de 15 ans originaire de la région de Gand fut attirée à un rendez-vous après avoir été mise en confiance par plusieurs échanges sur internet. Elle disparut. Child Focus décida de lancer immédiatement une campagne massive d'affichage pour faire savoir aux ravisseurs que nous n'abandonnerions pas. Cette stratégie se révéla payante puisque la jeune fille, séquestrée dans la région d'Anvers, fut rapidement libérée par ses ravisseurs.Pour la police fédérale, ces tentatives de pédophiles qui tentent de rencontrer des mineurs après un contact dans une « salle de discussions » demeurent l'exception. Mais l'ordinateur des ados, souligne-t-on, est devenu le point de passage obligé de toute enquête consécutive à une disparition. On agit dorénavant avec l'ordinateur comme on se préoccupait avant l'ère de l'informatique des conversations téléphoniques, précise Els Cleemput, porte-parole de la police fédérale. On essaye de savoir quelles conversations ont eues les jeunes avant leur disparition, quels sites ils ont consultés.Child Focus maintient sa campagne « safe surf », adressée aux enfants : J'explique à mes parents ce que je fais sur internet. Si je désire rencontrer dans la réalité quelqu'un dont j'ai fait la connaissance via l'internet, j'en parle d'abord à mes parents. L'association compte aussi lancer une campagne de prévention pour mettre en garde les jeunes contre certains SMS qui seraient dorénavant utilisés par des pédophiles pour susciter des rencontres. Les numéros d'appel des jeunes sont parfois diffusés, avec leurs messages, par des chaînes de télévision. Le délégué général aux droits de l'enfant, Claude Lelièvre, qui prône l'apprentissage d'une « sécurité personnelle » des enfants, relève pour sa part la prolifération inquiétante des e-mails pornographiques adressés à des enfants. Ma fille de 10 ans, témoigne ainsi Olivier M., a reçu dans sa messagerie une offre de sites zoophiles présentant aussi des images pédophiles. Je l'ai signalé au point de contact pédophilie (contact@gpj.be) de la police fédérale.·« On peut tromper son monde, c'est à la fois drôle et vicieux »TÉMOIGNAGESFranchement, j'ai vu le meilleur et le pire. Arnaud, 17 ans, alias Madbomber30, est un habitué des salons virtuels. De Caramail à Hotmail, il surfe, il échange, il cause de tout, de rien, parfois sérieusement, parfois légèrement. Mais c'est un chatteur responsable. Un ados qui voit clair : Je ne donne ni adresse email, ni coordonnées privées, ni téléphone. Je reste toujours sur mes gardes. Le chat, admet Arnaud, c'est une « grande porte ouverte » : Le principe même de ce genre de discussion l'anonymat donne des idées à certains. On peut se faire passer pour un homme, pour une femme. On peut manipuler, dissimuler, tromper son monde. C'est à la fois drôle et vicieux. La prudence est donc de mise : Des personnes mal intentionnées, il en traîne. Des pédophiles, des pervers, on peut en croiser, oui. Personnellement, je n'ai jamais eu affaire à eux. Mais je suis sûr qu'ils rôdent. Même sous pseudo, Madbomber30 sait qu'il n'est jamais à l'abri d'un dérapage : Un internaute futé qui a quelques relations dans les milieux des hackers (pirates du Net) peut facilement se faire passer pour vous et tenter des expériences malsaines.Nadège, 17 ans, dite « Miss Puf-Puf », avance elle aussi à pas de Sioux : Des gens bizarres qui lancent des propos obscènes passent souvent sur les chats. Mais il suffit d'appuyer sur l'icône « ignorer » pour qu'ils soient mis sur la touche, raconte cette jeune internaute « de la nuit ». Les contrôles ? Les « Netiquettes » ? Les chartes de bonne conduite ? J'y crois pas trop, soupire Nadège. Sur Caramail, du moins, je les vois pas souvent ! Tout est question de précaution : Si t'acceptes le principe qu'au-delà de l'écran, tu assumes, c'est bon, conclut Pierre, 16 ans, chatteur à ses heures. Pour passer du virtuel à la rencontre physique, faut des garanties. L'internet, c'est comme le monde réel, tout n'est pas rose. Faut pas être naïf !·H.DoREPèRESDéfinition. Le « chat » (prononcez « tchat ») signifie en français « causette » ou « bavardage ». Le sociologue Hugues Draelants définit cet outil de communication comme une conversation sous forme écrite, en temps réel, avec éventuellement un grand nombre de personnes en simultané et par l'intermédiaire du Web ou d'un logiciel adapté. Sujets de discussion. Il existe deux grandes catégories de « salon de discussion » : les chats généralistes où l'on aborde des thèmes larges (France, Belgique, En Français...) et les chats spécialisés (sport, cinéma, mode, musique...) où l'on traite de sujets tantôt sérieux (Rechercher un emploi, Ma Santé...), tantôt ludiques ou décalés. Mais en y regardant de plus près, note Hugues Draelants, on s'aperçoit qu'une part importante des échanges relève de la camaraderie, de la plaisanterie, du bavardage sur des sujets souvent sans rapport avec le nom du canal. D'où le surnom de « café du commerce électronique » donné au chat.Canaux. Le chat est souvent composé de « canaux publics » (salons) ou tout le monde s'exprime et de dialogues privés (pv). Une discussion privée se fait entre deux personnes qui ont accepté cet échange. Dans ce cas, les chatteurs disposent de plus de liberté pour s'échanger un numéro de téléphone ou une adresse.Règles. Chaque chat a ses règles, ses codes, ses us et coutumes que l'usager doit appliquer au risque de se ridiculiser ou, pire, de se faire exclure du canal. Certains portails ont établi des chartes d'utilisation. Des opérateurs bénévoles sont également chargés de surveiller les échanges, d'éviter les débordements (injures, harcèlement, propos racistes...) et d'appliquer des sanctions (avertissement, exclusion...).Lexique. Le chat possède un langage particulier. Par exemple : les usagers qui ne respectent par la « netiquette » risquent un « kick » (légère punition), un « kill » (déconnexion du serveur) ou un « K-line » (exclusion). Pour faire rapidement connaissance, les chatteurs ont recours à l'acronyme « AVS » comme « âge, sexe, ville ». Le « Spam » est un envoi de messages publicitaires sauvages, ce qui est interdit. Le « flood » ( une même phrase répétée plusieurs fois) est à éviter, elle encombre inutilement les échanges. Une phrase qui s'achève sur « mdr » signifie littéralement « mort de rire ». H. Do

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